samedi, juin 15, 2024
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« Je ne veux pas vivre dans une France raciste et fasciste »


De notre envoyée spéciale dans le cortège parisien – Des centaines de milliers de Français ont déferlé dans les rues samedi pour dire non à l’extrême droite, répondant à l’appel d’un large front uni de syndicats, d’associations et de la coalition de gauche du Nouveau Front populaire. Face à la menace d’un RN aux portes du pouvoir, la mobilisation citoyenne a été d’une ampleur inédite, nourrie par la peur de voir l’extrême droite s’imposer et par l’espoir d’un changement de cap avec une gauche unie. 

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Du haut de ses 16 ans, Philomène vit sa toute première manifestation. « Il y a une ambiance bon enfant qui règne, sans violence ni débordement », se réjouit-elle, accompagnée de son père, originaire de Martinique. Le score du RN aux européennes a été un électrochoc pour la famille. « Nos ancêtres ont connu l’esclavage, c’est une évidence de défiler contre l’extrême droite aujourd’hui », explique son père avec conviction. Philomène poursuit : « Moi, je suis là pour mon avenir. Je ne veux pas vivre dans une France raciste et fasciste ».  

Après la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le spectre d’une victoire du Rassemblement national aux élections législatives et de l’accession de Jordan Bardella à Matignon galvanise les manifestants anti-RN, qui ont répondu nombreux à l’appel de syndicats, d’associations et de l’ensemble des forces de gauche du Nouveau Front populaire

À Paris, la manifestation partie de la place de la République vers Nation a rassemblé 250 000 personnes selon les organisateurs, 75 000 selon la préfecture de police. Au total, la CGT a dénombré 640 000 manifestants au sein de 182 rassemblements en France. 

Emmanuel Macron, un « tremplin » à l’extrême droite 

Il est presque 14 heures, la place de la République se remplit. Marie, 21 ans, a pris l’habitude de descendre dans la rue depuis les manifestations contre la réforme des retraites en 2023. « Emmanuel Macron n’a jamais été un rempart à l’extrême droite, il en est le tremplin », se désole l’étudiante. Avec le slogan « Qui aurait pu prévoir ce barbazbeul » (« zbeul » signifie « désordre » en langage familier) écrit sur sa pancarte, elle veut faire référence à une expression qui revient régulièrement dans la bouche du président : « Qui aurait pu prédire ? » 


Sur d’autres banderoles, de nombreux messages s’adressent à Jordan Bardella. « Ça va Barder là ! » ou encore « Bardella, casse-toi, l’Europe n’est pas à toi ! ». Avec 33 % des intentions de vote, le Rassemblement national ressort nettement en tête au premier tour des législatives le 30 juin devant le Nouveau Front populaire (25 %) et la majorité présidentielle (20 %), selon un sondage Opinionway

Au sein du cortège, toutes les générations se côtoient : étudiants et adolescents, jeunes parents, mais aussi retraités. À 80 ans, Chantal est venue pour « essayer de peser et de renverser la tendance ». Cette militante de gauche insiste : « C’est bien de manifester CONTRE l’extrême droite, mais je suis aussi venue manifester POUR la gauche ! », s’enthousiasme celle qui est « convaincue qu’une reconstruction de la gauche est possible et nécessaire. » 


À peine réunis sous le Nouveau Front populaire, la décision de La France insoumise (LFI) de ne pas réinvestir plusieurs figures opposées à Jean-Luc Mélenchon a provoqué une crise, plus tôt dans la journée, aggravée par la candidature surprise de François Hollande en Corrèze. D’un côté, Adrien Quatennens, proche de Mélenchon et condamné en 2022 pour violences conjugales, a été réinvesti, tandis que Danielle Simonnet, Raquel Garrido et Alexis Corbière, députés sortants historiques, ont été écartés.  

« Moment d’unité » 

Au-delà des tensions internes, l’engagement des militants de gauche pour les élections législatives demeure intact. À l’instar d’Amine, qui cherche à mobiliser un maximum de ses proches pour voter pour la liste du Nouveau Front populaire. « À mon niveau, j’ai réuni une dizaine de listes de procurations, et je mets en contact ceux qui ne peuvent pas voter avec ceux qui le peuvent », explique ce père de famille de 37 ans. « En multipliant ces efforts, je suis sûr que nous réussirons ! » 


Alors qu’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite semble envisageable le 7 juillet prochain, certaines personnes dans le cortège parisien font le parallèle avec la situation dans d’autres pays. Suzet, Franco-Brésilienne de 63 ans, redoute que la France ne devienne comme le Brésil de Jair Bolsonaro – président d’extrême droite de 2019 à 2022 – où les femmes noires comme elle subissent « une oppression intolérable ». En France, « une référence de la gauche » selon elle, elle redoute un retour en arrière et manifeste pour « vivre un moment d’unité. » 

Plusieurs personnalités se sont jointes aux manifestants. Notamment les chefs de file du Nouveau Front populaire comme Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV, ou Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT

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« C’est un moment historique, on est potentiellement dans un moment de bascule de la démocratie, il faut absolument que tout le monde se mobilise », a souligné Marylise Léon, au départ du cortège parisien. 

Dans le défilé, de nombreuses musiques ont été diffusées en boucle, notamment « Marine » de Diams, reprise en chœur par le cortège de SOS Racisme. Cette chanson anti-FN, sortie il y a 20 ans et adressée à la fille de Jean-Marie Le Pen, semblait aujourd’hui plus actuelle que jamais dans les rangs de la manifestation.  






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