Ce fut le plus grand combat écologiste des dernières années aux Etats-Unis. Entre août 2016 et février 2017, trois cents tribus amérindiennes avaient mobilisé des dizaines de milliers de militants de tous les pays pour empêcher la construction d’un immense oléoduc, le Dakota Access Pipeline, passant près de la réserve sioux de Standing Rock, dans le nord des Etats-Unis. Les images des opposants enchaînés aux bulldozers, essuyant des tirs de gaz lacrymogènes et des jets de canons à eau sous des températures glaciales, ou affrontant les chiens des vigiles de sécurité, avaient fait le tour du monde.
Les Amérindiens s’opposaient au « serpent noir » qu’ils voyaient comme une balafre sur leurs lieux sacrés, mais également comme une menace pour leur eau : ils redoutaient les fuites qui pouvaient se produire lors de son passage sous la rivière Missouri. Suspendue par le président Barack Obama puis relancée par son successeur, Donald Trump, l’infrastructure a finalement été construite et est entrée en fonction en juin 2017.
Enterrée, elle transporte tous les jours 750 000 barils de pétrole de schiste depuis le Dakota du Nord jusqu’à l’Illinois, sur près de 1 900 kilomètres. L’entreprise américaine qui a construit et qui exploite l’oléoduc, Energy Transfer, assure qu’il ne présente aucune menace pour les réserves en eau, qu’il évite trois mille camions-citernes et huit cents wagons de train quotidiens, et fournit, chaque année, des millions de dollars en taxes pour les populations locales.
« Museler la critique »
L’affaire n’est pourtant pas close d’un point de vue juridique et vient de connaître un nouveau rebondissement. Energy Transfer poursuit en justice Greenpeace depuis 2017 – aux côtés d’autres accusés. Elle réclame 300 millions de dollars (275 millions d’euros), ainsi que des dommages-intérêts supplémentaires qui pourraient porter la somme à 900 millions de dollars, soit un record pour l’ONG, pourtant habituée aux litiges. Greenpeace a de forts risques de perdre le procès, qui aura lieu en février et mars 2025, ce qui menace son existence aux Etats-Unis – où elle compte 205 employés.
Mardi 23 juillet, Greenpeace International, dont le siège se trouve aux Pays-Bas, a riposté à ce qu’elle considère être une « procédure-bâillon ». Elle a fait parvenir à Energy Transfer une lettre de mise en demeure l’informant de son intention de l’attaquer devant un tribunal néerlandais, à moins que l’entreprise retire ses poursuites et lui verse des dommages-intérêts.
Il s’agit de la première utilisation d’une nouvelle directive européenne pour lutter contre les procédures judiciaires abusives, entrée en vigueur en avril. « La directive européenne vise à empêcher l’utilisation par de grandes entreprises d’outils juridiques engendrant des coûts considérables pour les entités ciblées, afin de museler la critique », explique Daniel Simons, conseiller juridique principal de Greenpeace International.
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