Il n’y a pas qu’en France que les élections créent des surprises. Vendredi 5 juillet, un président réformateur, Masoud Pezeshkian, a réussi à se faire élire en Iran, devançant de près de 3 millions de voix son adversaire ultraconservateur, Saïd Jalili.
Organisée à la suite de la disparition du précédent président, Ebrahim Raïssi, dans un accident d’hélicoptère en mai, cette élection est source d’espoir à la fois pour la société iranienne et pour les partenaires internationaux de l’Iran. Chirurgien de formation, ministre de la santé sous l’ancien président réformateur Mohammad Khatami au début des années 2000, cet homme de 69 ans a été élu sur deux séries de promesses : améliorer le niveau de vie des Iraniens en obtenant des Etats-Unis la levée des sanctions contre l’Iran, et assouplir les restrictions sociales qui empoisonnent la vie des femmes.
Ce scrutin à deux tours a néanmoins donné l’occasion aux Iraniens de manifester leur mécontentement à l’égard du régime, d’abord en suivant massivement au premier tour une consigne de boycott de l’opposition : 60 % des électeurs inscrits sont restés chez eux. Puis, voyant le candidat réformateur en tête le soir du premier tour, un certain nombre de ces abstentionnistes ont décidé d’aller voter au second tour pour lui donner une chance d’être élu, portant la participation à quasiment 50 %.
Répression féroce des femmes
M. Pezeshkian pourra-t-il réellement changer la vie de ses concitoyens, dans un régime dominé par la faction dure, où le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khameini, détient la clé du pouvoir ? Candidat, il s’est dit déterminé à faire bouger les choses, avec un impératif : sortir le pays de son isolement.
Pour obtenir la levée des sanctions qui étouffent l’économie iranienne, il doit d’abord réengager sérieusement Téhéran dans le processus de négociation de l’accord sur le nucléaire iranien, signé en 2015 avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine, mais moribond depuis que le président Donald Trump en a sorti les Etats-Unis en 2018. Masoud Pezeshkian a nommé à cet effet comme conseiller diplomatique Mohammad Javad Zarif, l’ancien ministre des affaires étrangères qui avait négocié la conclusion de cet accord avec les Occidentaux.
Le président et son équipe siègent aussi au sein du Conseil suprême de la sécurité nationale, qui définit les grandes lignes stratégiques. Certes, c’est bien le Guide suprême qui a la haute main sur ces questions, mais les experts s’accordent à dire que, si le président lui présentait la perspective d’un nouvel accord, il serait preneur au vu des bénéfices économiques que l’Iran pourrait en tirer. Encore faudra-t-il, pour que cette hypothèse ait une chance de se réaliser, qu’une administration démocrate se maintienne au pouvoir à Washington.
Sur son autre série de promesses, le président Pezeshkian est tout aussi attendu. Les restrictions vestimentaires telles que l’obligation du port du voile sont certes imposées par la loi, mais le président est chargé de leur application. Elu au terme de deux années de répression féroce des femmes sortant la tête découverte et de ceux qui les soutiennent, le nouveau président s’est engagé à s’opposer à la police des mœurs et à l’application de ces mesures par la force. Il appartiendra à ses interlocuteurs occidentaux de lui rappeler cet engagement, s’il ne l’a pas mis en œuvre, dans l’éventualité où des progrès seraient réalisés sur la voie de l’accord sur le nucléaire.