A l’approche de l’élection présidentielle en Tunisie, le président Kaïs Saïed a procédé à un remaniement ministériel d’envergure, dimanche 25 août, moins de trois semaines après avoir nommé Kamel Madouri, ancien ministre des affaires sociales et haut fonctionnaire, à la tête du gouvernement en remplacement d’Ahmed Hachani, limogé moins d’un an après sa nomination.
A Tunis, beaucoup voient dans ce changement d’équipe un signe de la volonté de Kaïs Saïed de renforcer son emprise sur l’administration en amont du scrutin, prévu le 6 octobre. « Il survole la présidentielle. Il sait qu’il va être réélu et ne dissimule même pas ses intentions en menant sa précampagne aux frais de l’Etat », estime Hatem Nafti, essayiste et analyste politique, auteur du livre Tunisie : Vers un populisme autoritaire ? (éd. Riveneuve, 2022). Le président sortant, qui brigue un nouveau mandat, est largement favori à sa réélection après l’éviction de la plupart de ses opposants et candidats potentiels.
Réagissant dimanche soir aux critiques concernant le moment choisi pour ce remaniement, le chef de l’Etat a affirmé qu’il était essentiel de distinguer la sécurité nationale et le fonctionnement des institutions d’une part, et les élections d’autre part. « Les institutions sont paralysées par ceux qui souhaitent voir la situation se dégrader », a-t-il dénoncé. Soucieux de défendre son bilan, il a affirmé que les crises successives étaient « artificiellement provoquées » par des agents soutenus par des puissances étrangères, qu’il n’a pas explicitement nommées.
Ce remaniement inattendu survient alors que Kaïs Saïed multiplie les critiques à l’encontre de l’administration, qu’il entend purger en pleine période électorale. « La principale mission d’Ahmed Hachani était de purifier l’administration. L’absence de purge lui a sans doute coûté son poste », estime Hatem Nafti. Peu avant son limogeage, Kaïs Saïed avait accusé l’administration et le gouvernement de ralentir délibérément ses directives politiques, dénonçant un complot « criminel » contre l’Etat fomenté par ses opposants à des fins électorales.
Pleins pouvoirs
Parmi les changements les plus significatifs de ce remaniement – qui a abouti au remplacement de dix-neuf ministres et trois secrétaires d’Etat – figure la nomination de nouveaux ministres de la défense et des affaires étrangères. Mohamed Ali Nafti, diplomate de formation et ex-secrétaire d’Etat auprès de son ministre de tutelle entre 2020 et 2021, devient le nouveau chef de la diplomatie tunisienne. Khaled Shili, également diplomate et ex-ambassadeur en Jordanie, est nommé à la défense.
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