Sur le papier, rien n’a changé. La Suisse reste neutre, malgré les bouleversements provoqués par la nouvelle situation sécuritaire sur le continent européen depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Alors que deux Etats européens anciennement neutres, la Finlande et la Suède, on rejoint l’OTAN, Berne s’arc-boute sur une lecture rigoriste de son statut particulier. Elle a ainsi interdit à plusieurs reprises, ces deux dernières années, que des armements qu’elle avait vendus à l’étranger, parfois depuis des décennies, soient transmis à l’armée ukrainienne.
Mais dans les faits, un glissement stratégique est à l’œuvre, et la Confédération helvétique pourrait se rapprocher furtivement de l’Alliance atlantique, consciente de l’isolement de sa position stratégique – ce qui n’est pas le cas des trois derniers Etats européens neutres (Irlande, Autriche, Malte) qui font, eux, partie de l’Union européenne (UE).
Le 29 août, un rapport explosif d’un groupe d’experts des questions de sécurité sera remis à la ministre de la défense helvétique Viola Amherd, également présidente en exercice de la Confédération cette année. Chargée de donner des « impulsions pour la politique de sécurité des années à venir », cette commission d’études a démarré ses travaux en juillet 2023, après que la première année de guerre en Ukraine a souligné la faiblesse de la position sécuritaire helvétique, tout en exposant le pays à de nombreuses critiques à l’extérieur.
L’atlantisme plutôt que l’attentisme
Composé de députés de tous bords, de diplomates, de hauts fonctionnaires, d’un ancien chef de l’armée suisse, et même d’une personnalité étrangère, l’Allemand Wolfgang Ischinger, ex-directeur de la Conférence de Munich sur la sécurité, le groupe d’experts a travaillé pendant une année dans le plus grand secret.
Les grandes lignes des recommandations qu’il va formuler sont toutefois connues, depuis que le texte a fuité dans le quotidien populaire Blick de Zurich, sans doute afin d’anticiper les critiques qui ne manqueront pas de fuser dans les rangs des ailes gauches et pacifistes du Parti socialiste et des Verts, ainsi que du côté de l’UDC (extrême droite). Champion du souverainisme helvétique, ce dernier considère déjà que la Suisse a abandonné sa neutralité en suivant les sanctions de l’UE contre la Russie.
Les auteurs du rapport, qui ne mâchent pas leurs mots, semblent préférer l’atlantisme à l’attentisme. « L’OTAN reste, dans un avenir prévisible, le garant de la politique de sécurité de l’Europe, mettent-ils ainsi en avant. Il est la référence pour les armées occidentales modernes et définit les standards pour la technologie d’armement. Une coopération avec l’OTAN peut renforcer la capacité de défense de la Suisse. » Celle-ci serait notamment nécessaire dans les domaines du numérique et de la guerre hybride. Le groupe d’experts ne suggère pas à Berne d’adhérer à l’Alliance atlantique, même si la lecture du document « laisse transparaître de la sympathie à son égard, précise le journal Blick, ajoutant que la Russie n’a jusqu’à présent attaqué que des pays non-membres de l’OTAN ».
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