Sous une chaleur accablante, et malgré les congés estivaux, des milliers de Slovaques sont descendus, lundi 12 et mardi 13 août dans les rues de Bratislava pour dénoncer une nouvelle étape dans les inquiétantes purges menées par le gouvernement populiste de Robert Fico au pouvoir depuis le 25 octobre 2023 dans ce petit pays d’Europe centrale. Constitués en grande partie d’artistes, les cortèges ont appelé, deux jours de suite, à la « démission » de sa ministre de la culture, Martina Simkovicova, figure de l’extrême droite prorusse qui écarte un par un les artistes qui refusent de s’aligner sur sa vision de la culture.
Autoproclamée « défenseure de la culture slovaque et rien d’autre », Mme Simkovicova a lancé une véritable guerre culturelle contre « l’idéologie LGBT », qu’elle accuse de participer « à l’extinction de la race blanche » en Europe. Après avoir déjà écarté plusieurs dirigeants d’institutions publiques ces derniers mois, cette complotiste antivax a mis le feu aux poudres, mardi 6 et mercredi 7 août, en licenciant sur-le-champ le directeur du Théatre national slovaque, Matej Drlicka, et la directrice de la Galerie nationale slovaque, Alexandra Kusa. Tous les deux ont été accusés dans un communiqué d’« activisme politique progressiste-libéral », non conforme au « programme culturel du gouvernement axé sur les valeurs traditionnelles et l’héritage de nos ancêtres ».
« Une fonctionnaire du ministère a sonné à la porte de mon domicile de bon matin pour m’annoncer mon licenciement », raconte, au Monde, M. Drlicka, qui dirigeait, depuis 2021, la principale scène publique slovaque, qui comprend à la fois un théâtre, un opéra et un ballet. « Depuis que j’avais exprimé mon désaccord avec ce qu’il se passe en Slovaquie lors de la cérémonie de l’équivalent slovaque des Oscars, on m’avait fait comprendre que j’étais foutu », assure ce clarinettiste de formation qui vient, par ailleurs, d’être décoré pour sa carrière de l’ordre des Arts et des Lettres par la France.
Un pays qui copie la Hongrie
Même s’il s’enorgueillit d’avoir fait de son lieu « un miroir de la société slovaque » avec de nombreuses pièces politiques au répertoire, M. Drlicka assure « n’avoir jamais déclaré ses opinions politiques, ni appeler à voter pour qui ce soit ». Mais, dans un pays qui copie de plus en plus ouvertement la Hongrie voisine de Viktor Orban avec un gouvernement qui s’attaque à l’indépendance de la justice, de la police ou des médias et licencie les fonctionnaires gênants par dizaines, il suffit désormais d’apparaître comme un artiste un brin contestataire pour être visé par le pouvoir.
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