Vingt-cinq chefs d’État et de gouvernement, dont le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ont communié jeudi en Normandie avec les derniers vétérans à l’occasion du 80e anniversaire du Débarquement du 6 juin 1944, le conflit en Ukraine en toile de fond.
Lancées jeudi 6 juin au mémorial de Ver-sur-Mer (Calvados), les cérémonies marquant ce tournant majeur de la Seconde Guerre mondiale, avec le débarquement de 150 000 soldats alliés dans la France occupée par l’Allemagne nazie, étaient empreintes d’une gravité nouvelle à l’heure où la guerre sévit aux portes de l’Union européenne.
« Soyons dignes du courage de ceux qui débarquèrent ici », a lancé le président français Emmanuel Macron au terme de la cérémonie internationale qui clôturait cette dense journée de commémorations à Omaha Beach.
« Quand guettent l’anesthésie et l’amnésie, quand s’endorment les consciences, que leur élan intact nous entraîne à leur suite, sans craindre houle ni bourrasque », a poursuivi le président français.
« Merci au peuple ukrainien, à sa bravoure, à son goût de la liberté. Nous sommes là et nous ne faiblirons pas », a-t-il souligné en présence de Volodymyr Zelensky et de son épouse, arrivés jeudi matin à Caen, et applaudis à plusieurs reprises.
Au cimetière américain de Colleville-sur-Mer, à la mi-journée, Emmanuel Macron, au côté du président américain Joe Biden, avait salué « l’héroïsme des morts et celui des vivants » en présence de vétérans.
« Vous avez tout quitté et pris tous les risques pour notre indépendance, pour notre liberté. Cela, nous ne l’oublions pas », a-t-il ajouté, avant de remettre les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à 11 vétérans américains.
Le conflit en Ukraine était en filigrane des discours – Joe Biden a pour sa part vanté une Otan « plus unie que jamais » pour défendre la paix et la liberté dans le monde.
« Un tyran »
« L’Ukraine est envahie par un tyran et nous n’abandonnerons jamais. (…) Nous ne pouvons pas abandonner devant des dictateurs, c’est inimaginable », a dit le président américain lors d’un discours à Colleville-sur-Mer.
« L’isolationnisme n’était pas la réponse il y a quatre-vingts ans et ce n’est pas la réponse aujourd’hui », a-t-il ajouté.
À son arrivée sur le sol français, Volodymyr Zelensky a écrit sur X que cet événement rappelait « le courage et la détermination déployés dans la quête de la liberté et de la démocratie ». « Les Alliés ont défendu la liberté de l’Europe, désormais ce sont les Ukrainiens », a-t-il écrit.
La Russie, qui a envahi l’Ukraine en février 2022, déclenchant le plus grand conflit armé d’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, n’avait pas été invitée.
Il y a dix ans, le président russe Vladimir Poutine avait participé aux cérémonies du 70e anniversaire en Normandie.
Avec les dirigeants de la France, de l’Allemagne et de l’Ukraine, le maître du Kremlin avait lancé le désormais obsolète « Format Normandie », groupe de contact visant à résoudre le conflit russo-ukrainien qui se concentrait alors sur les régions du Donbass et de Crimée.
Dix ans plus tard, il n’y a plus de rencontres diplomatiques de haut niveau entre ces quatre pays.
La guerre, qui fait aussi rage au Proche-Orient et en d’autres parties du monde, a été le fil rouge des discours, omniprésente dans l’esprit des visiteurs, nombreux dans la région à l’occasion du 80e anniversaire.
« Comme si c’était arrivé hier »
Les célébrations interviennent au cœur d’une année marquée par d’importantes élections, au sein de l’Union européenne cette semaine et aux États-Unis en novembre. Face aux scénarios d’une poussée de l’extrême droite au Parlement européen et d’une possible victoire de Donald Trump, le souvenir du conflit de 1939-45 est convoqué pour mettre en garde contre les dangers de l’extrémisme et de l’isolationnisme.
Le roi Charles III d’Angleterre, arrivé jeudi matin avec la reine consort Camilla au mémorial de Ver-sur-Mer, a rendu hommage aux soldats britanniques du D-Day, appelant à honorer l’ensemble des « libérateurs ».
« C’est avec une gratitude très profonde que nous nous souvenons d’eux », a-t-il déclaré. « Nous avons eu de la chance, et le monde libre aussi, qu’il y ait eu une génération qui soit restée droit dans ses bottes, qui était à la hauteur de ces défis ».
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le Prince Williams et le Premier ministre français Gabriel Attal ont eux assisté à Juno Beach à la cérémonie dédiée aux soldats canadiens qui ont débarqué sur cette plage normande en juin 1944.
Il s’agissait probablement de la dernière grande cérémonie en Normandie en présence des anciens combattants témoins de cette époque, aujourd’hui centenaires ou presque.
Quelque 200 vétérans, américains et britanniques pour la plupart, ont participé aux cérémonies organisées dans les cimetières, devant les monuments et sur des plages qui portent encore les stigmates des combats du « Jour le plus long » qui vit mourir des milliers de soldats alliés.
L’Américain Bob Gibson, 101 ans, qui fit partie de la deuxième vague de soldats à débarquer sur la plage normande rebaptisée « Utah Beach », était en Normandie depuis lundi.
« C’est comme si c’était arrivé hier. Vous ne croiriez pas ce que j’ai vu. Terrible. Certains jeunes n’ont jamais atteint la grande plage (…) Parfois, cela vous réveille la nuit », a-t-il déclaré à Reuters.
Avec Reuters