Il aura suffi de trois jours pour que le grand projet albanais de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, subisse un embarrassant revers. Vendredi 18 octobre, alors que la dirigeante d’extrême droite était attendue à Beyrouth pour répondre aux agressions israéliennes contre la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), un tribunal de Rome lui a infligé un sérieux camouflet.
Les juges de la capitale italienne ont en effet ordonné le transfert en Italie des douze premiers migrants détenus dans les centres de droit italiens tout juste inaugurés en territoire albanais pour traiter les demandes d’asile et les éventuelles expulsions d’exilés secourus en mer. Arrivés mercredi 16 octobre sur place, ils ont embarqué samedi 19 octobre à bord d’un navire des gardes-côtes pour quitter l’Albanie.
La dix-huitième section du tribunal de Rome, compétente sur les procédures liées aux centres de rétention italiens d’Albanie, a décidé que les migrants, de nationalités bengalaise et égyptienne, avaient le droit d’être transportés en Italie du fait de l’impossibilité de reconnaître leurs Etats d’origine comme pays « sûrs », les garanties démocratiques n’y étant pas assurées.
Seuls les ressortissants des Etats placés par Rome dans cette catégorie étaient censés pouvoir être détenus dans les structures mises en place en Albanie. La décision s’est appuyée sur un arrêt rendu le 4 octobre par la Cour de justice européenne s’opposant à ce qu’un Etat membre désigne un pays tiers comme « sûr » s’il ne l’est que pour une partie de son territoire ou une partie de sa population.
Frénésie restrictive
Mis en cause quelques jours après ces premières applications pratiques, l’accord entre l’Italie et l’Albanie a nécessité près d’un an de préparation. Mme Meloni l’avait signé avec son homologue albanais, Edi Rama, en novembre 2023. Prévoyant la construction de deux enclaves de droit italien en territoire albanais, il est valide pour une durée de cinq ans. Le cadre du pacte organise la détention simultanée de jusqu’à un millier d’hommes adultes en bonne santé, provenant de pays tiers jugés « sûrs » et secourus dans les eaux internationales par les autorités italiennes.
Les migrants en question ne sont officiellement pas censés toucher le sol albanais. Leurs demandes d’asile doivent être traitées selon des procédures de droit italien, exactement comme s’ils avaient débarqué sur la Péninsule. L’expulsion des personnes déboutées est également censée être décidée lors de leur séjour dans ces centres. Rome estime qu’un tel dispositif, tout en étant encadré par le droit italien, serait de nature dissuasive pour les candidats à l’exil.
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