En septembre, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti populiste classé à l’extrême droite, a fait une percée remarquée lors des élections régionales en Thuringe, où elle est arrivée en tête, mais aussi dans la Saxe et le Brandebourg. Ce n’était pas une surprise, mais c’est une première depuis l’après-guerre. Les scores obtenus par l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), parti populiste hétéroclite né d’une rupture avec Die Linke (« la gauche ») en janvier, sont également significatifs.
Sans préjuger des rapports de force qui résulteront des élections fédérales prévues en septembre 2025, ces résultats témoignent de la déstabilisation du système des partis traditionnels. Ils s’expliquent également, en partie, par les spécificités persistantes de ces Länder de l’ancienne Allemagne de l’Est (RDA). Sont tour à tour citées, à ce titre, certaines fragilités des structures économiques, une démographie plus vieillissante, une culture politique moins structurée par des partis que par des personnalités, ou encore l’instrumentalisation des arguments anti-immigration et de ceux de la proximité avec la Russie dans le contexte de la guerre contre l’Ukraine. Est de surcroît relevé le sentiment d’être des citoyens de seconde zone, parfois imputé au processus de réunification du 3 octobre 1990, événement historique dont on fête aujourd’hui les 34 ans.
En mai, lors des célébrations des 75 ans de la Loi fondamentale, la Constitution de la République fédérale d’Allemagne (RFA) adoptée le 23 mai 1949, certaines voix n’ont pas manqué de souligner qu’en Allemagne de l’Est la Constitution n’avait pas 35 ans ! Ce fut l’occasion de revenir sur les failles du processus constitutionnel mis en œuvre après la chute du mur de Berlin.
Constitution de l’Ouest étendue à l’Est
Le 9 novembre 1989 se posait en effet un choix constitutionnel majeur : l’Allemagne réunifiée avait-elle besoin d’une nouvelle Constitution adoptée par l’ensemble du peuple allemand ? Ou devait-elle se contenter d’étendre la Constitution de l’Ouest aux nouveaux Länder de l’Est, après leur adhésion, sans approbation expresse par référendum ?
De ces deux options, c’est la seconde qui fut choisie. Les raisons en sont multiples. Cette voie s’imposait pour profiter de l’étroite fenêtre ouverte par le contexte indéniablement historique. Elle permettait, en outre, de ne pas saper une Constitution déjà éprouvée et reconnue comme déterminante pour le « patriotisme constitutionnel » qui caractérise l’ordre libéral et démocratique allemand d’après-guerre. Enfin, cette voie correspondait aux convictions de la majorité des acteurs – non seulement celles de la coalition gouvernementale dirigée par Helmut Kohl (1930-2017), mais, également, celles d’une grande partie de l’opinion publique, y compris à l’Est. C’est du moins ce que l’on a pu déduire des élections à la Chambre du peuple du 18 mars 1990 : ce dernier scrutin du Parlement de l’ex-RDA, pour la première fois organisé librement, avait en effet conduit à la victoire d’une « Alliance pour l’Allemagne » clairement portée par la promesse d’une réunification rapide.
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