dimanche, juin 30, 2024
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dans l’enfer des geôles d’Assad


Au terme d’un procès inédit, la cour d’assises de Paris a condamné vendredi trois hauts responsables syriens à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crimes contre l’humanité et délits de guerre. Ce premier procès d’ampleur contre les crimes du régime de Bachar al-Assad pendant la guerre fut une véritable plongée dans le système tortionnaire syrien. 

Dans le premier procès d’envergure contre les crimes du régime de Bachar al-Assad pendant la guerre en Syrie, la réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée, vendredi 24 mai, contre trois hauts responsables du régime syrien. L’ancien numéro 2 de Bachar al-Assad et deux autres responsables de premier plan étaient jugés par défaut devant la cour d’assises de Paris pour complicité de crimes contre l’humanité et de délit de guerre, pour avoir participé à la disparition forcée puis à la mort de deux Franco-Syriens à Damas, en 2013.

Dans ce procès hors normes, plusieurs rescapés des geôles syriennes dans lesquelles ils ont été frappés, pendus par les bras pendant des heures ou encore électrocutés, ont raconté les supplices qu’ils ont subis. L’avocate générale s’est employée, dans ses réquisitions, à démontrer que le régime de Bachar al-Assad menait « une politique répressive d’État, mise en œuvre par les plus hauts niveaux » de la hiérarchie et « déclinée localement dans chaque gouvernorat » et que les accusés étaient, comme Bachar al-Assad, « les architectes de ce système ». 

Absents au procès, les accusés – Ali Mamlouk, l’ex-chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, l’ex-directeur des services de renseignements de l’armée de l’air, et Abdel Salam Mahmoud, l’ancien responsable de la branche investigation de ces services – étaient jugés par trois magistrats professionnels par défaut, ou « in absentia », c’est-à-dire sans qu’ils soient présents ni représentés. 

La cour a également ordonné le maintien des effets des mandats d’arrêt contre eux.

Il s’agit, selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), du procès « des plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l’éclatement de la révolution syrienne en mars 2011 ».

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, mais les personnes poursuivies étaient de rang inférieur. C’est également la première fois qu’un responsable syrien toujours en exercice était jugé pour délits de guerre présumés. Ali Mamlouk fait, à ce jour, toujours partie du régime syrien en tant que conseiller à la sécurité du président Bachar al-Assad.

À Paris, trois hauts responsables syriens jugés pour crimes contre l'humanité

À Paris, trois hauts responsables syriens jugés pour crimes contre l’humanité © France24

Torturés à mort

L’affaire porte sur la disparition à Damas en novembre 2013 et le décès de Mazzen Dabbagh, un Franco-Syrien alors conseiller d’orientation au lycée français de Damas, et de son fils Patrick, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines. Le père et le fils avaient été arrêtés par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l’armée de l’air syrienne.

Les deux hommes ont été transférés à l’aéroport de Mezzeh, un centre de détention réputé inhumain et dénoncé comme un des pires centres de torture du régime, selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps qu’eux mais relâché deux jours plus tard.

Ils n’ont plus jamais donné signe de vie.

Ce n’est qu’en juillet 2018, à l’émission de certificats de décès par les autorités syriennes, que la famille Dabbagh a été informée de la mort de Patrick et Mazzen. Selon ces actes de décès, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazen, le 25 novembre 2017.

Les investigations menées par le pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris ont permis de considérer qu’il était « suffisamment établi » que les deux victimes « ont subi, comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l’armée de l’air, des tortures d’une telle intensité qu’ils en sont décédés ».

L’affaire a été portée devant la justice en octobre 2016 par Obeïda Dabbagh, frère et oncle des victimes et principale partie civile, aux côtés de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et soutenu par le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM). Obeïda Dabbagh affirme avoir été longtemps freiné par la difficulté d’obtenir des informations sur le sort de son frère et de son neveu, mais surtout par la peur de mettre en danger ses proches en Syrie en portant plainte en France. 

Plongée dans l’horreur

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, sévices sexuels : plusieurs Syriens, aujourd’hui réfugiés en France, se sont succédé à la barre pour témoigner des tortures infligées dans la prison de Mezzeh où ont séjourné Patrick et Mazzen.

À l’image d’Abdul Rahman, arrêté deux fois par les services de renseignements syriens, qui livre son récit d’une voix presque inaudible. La première fois en avril 2011, les agents tentent de savoir où se trouvent son frère et sa belle-sœur, une avocate renommée. « J’ai subi des tortures du matin au soir », relate-t-il. « On me menaçait de m’arracher les ongles, m’arracher les cheveux ».

Nasser, 40 ans, a lui passé trois mois à Mezzeh. Fils et frère d’opposants au régime, il est interpellé le 9 mai 2011 et est enfermé avec plus d’une centaine de personnes dans une cellule de 40 m2. « Le lendemain ou le surlendemain, ils ont commencé à me tabasser, j’ai perdu mes dents », témoigne-t-il.

Il raconte avoir été interrogé, des semaines plus tard, par l’un des accusés – Jamil Hassan, en personne – qui lui demande où se trouvent ses proches. « J’ai répondu : ‘vous me posez encore les mêmes questions au bout de deux mois alors que je ne sais pas' ». Jamil Hassan ordonne alors à ses agents de s’occuper de lui. « Il leur a dit littéralement: ‘je veux l’entendre hurler sous la torture' ».

« On m’a mis une corde autour des mains, j’ai été attaché, suspendu », poursuit Nasser. « On m’a laissé suspendu comme ça jusqu’au lendemain ». Quand on lui demande de baisser les bras pour enlever ses liens, il n’y arrive pas. « Mon geôlier m’a baissé les bras de force, j’ai eu un déboitement des deux épaules », dit le témoin, qui confie avoir aussi été électrocuté sur les parties génitales.

Pendant l’audience de mercredi, des photos de l’affaire « César » – pseudonyme d’un ancien photographe légiste de la police militaire syrienne qui s’est enfui de Syrie en 2013 avec 55 000 photographies de guerre – ont été diffusées. Cette dizaine de clichés montrant des scènes effroyables de corps torturés et décharnés a fait office de preuves.



Industrialisation de la torture

Les faits dont ont été victimes Mazzen et Patrick Dabbagh « s’inscrivent dans un contexte dans lequel des dizaines, voire des centaines de milliers de Syriens peuvent se reconnaître », a souligné l’avocate générale dans ses réquisitions au dernier jour du procès.

Le point central de ce procès était la mise en lumière, aussi crue soit-elle, du caractère systématique et massif des exactions commises par le régime syrien sur sa population civile pendant la guerre civile en Syrie. « Cette affaire est importante pour tous les Syriens », a déclaré l’avocat et directeur du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, Mazen Darwish, « car elle concerne les détentions arbitraires, la torture (et) les exécutions extrajudiciaires systémiques » de la part du régime.

« Ce qu’on a vu, c’était la démonstration de l’industrialisation de la torture et la volonté de déshumanisation du peuple syrien », explique Marie Schuster, journaliste à France 24 qui a assisté aux audiences. « Au cours du procès, Clémence Bectarte, l’avocate de la partie civile, a cité des réponses que l’on donnait aux familles qui demandaient des nouvelles de leurs enfants incarcérés. On leur a dit : ‘Oubliez vos enfants ! Faites-en d’autres ! Et si vous n’y arrivez pas, envoyez-nous vos femmes !’. Cette phrase illustre parfaitement cette déshumanisation et le mépris du régime », raconte la journaliste.

Pour Obeïda Dabbagh, Patrick et Mazzen sont désormais « les porte-parole des centaines de milliers de Syriens qui ont subi le même sort qu’eux. », a-t-il déclaré devant la cour d’assise de Paris. « J’espère que la communauté internationale pourra un jour s’attaquer carrément à la tête de ce régime ».

Bachar al-Assad échappe toujours à la justice internationale

La Syrie de Bachar al-Assad n’a jamais rendu de comptes pour ses tortures, meurtres et crimes de guerre devant la justice internationale, car elle n’est pas membre de la Cour pénale internationale. Mais ses dirigeants pourraient un jour devoir en rendre devant des tribunaux européens.

Avec ce verdict, Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud sont donc condamnés à la prison à perpétuité en France. « Des mandats d’arrêt internationaux seront lancés contre eux. Ils ne seront évidemment pas arrêtés mais cela va limiter leurs déplacements, car ils risqueraient d’être arrêtés et poursuivis dans tout pays qui applique ces mandats », explique Marie Schuster. « Un tel verdict permettrait surtout de remettre en lumière les atrocités du régime syrien », continue-t-elle.

Dans cette affaire, Bachar al-Assad n’est pas nommé car protégé par son immunité diplomatique en tant que chef d’État en exercice. « Attendre la levée de l’immunité du président syrien aurait prolongé indéfiniment la procédure de justice », détaille Marie Schuster. Mais cette immunité diplomatique pourrait être remise en question dans un autre procès.

La Cour d’appel de Paris doit confirmer, le 26 juin prochain, un mandat d’arrêt émis en novembre 2023 contre Bachar el-Assad, son frère et deux autres responsables syriens, accusés d’avoir utilisé des armes chimiques contre des civils dans la Ghouta orientale en 2013.

Le massacre de la Ghouta avait entraîné la mort de plus d’un millier de personnes, dont des ressortissants français.



© France 24

« Ce que demandent les victimes, c’est de ne pas oublier, et ne pas légitimer ce régime qui continue d’être tortionnaire », explique Marie Schuster. Avec ce procès, quatre dossiers contre le régime syrien ont déjà abouti au sein de la justice française. « Le but de ces procès est de mettre un frein aux normalisations des relations avec la Syrie de Bachar al-Assad », détaille la journaliste. 

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Pour l’avocat de la FIDH Patrick Baudouin, c’est aussi le message le plus important du procès. « Alors que certains États normalisent leurs relations diplomatiques avec Bachar al-Assad, la France doit continuer de s’opposer fermement à toute tentative de normalisation », estime-t-il. 

« Il y a à la fois une dimension juridique et une dimension politique à ce procès », analyse pour sa part David Rigoulet-Roze, chercheur spécialiste du Moyen-Orient et rattaché à l’Institut français d’analyse stratégique. « Il y a évidemment une dimension juridique qui permet une reconnaissance de ce qu’il s’est passé pour les victimes. Mais il y aussi une dimension politique forte »

Pour ce chercheur associé à l’IRIS, ce procès vise directement un régime, « ou du moins, des responsables très hauts placés de ce régime : le général Ali Mamlouk était, à l’époque des faits incriminés, au sommet du système sécuritaire syrien et de la terrible répression qui a été menée contre les opposants ; le général Jamil Hassan était à la tête des services de renseignements de l’armée de l’air, les plus redoutés de tous au sein du système de répression syrien ; et le brigadier-général Abdel Salam Mahmoud était le responsable du département des enquêtes au sein de ces services. »

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« La multiplication de ce type de procès, en France mais aussi en Europe, confirme la volonté juridique de ne pas laisser s’imposer une impunité et traduit simultanément le maintien du refus de toute forme de normalisation avec le régime syrien », poursuit le chercheur. Pour David Rigoulet-Roze, « le positionnement de la France est conforme à sa politique vis-à-vis de la Syrie depuis le début de la guerre civile en 2011. Il confirme le fait que pour Paris, il n’y aura pas de normalisation avec le régime de Bachar al-Assad. »



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