Jeudi 6 juin, trente camions qui acheminaient de l’aide humanitaire des Nations unies à Gaza ont été attaqués, peu après avoir franchi le poste-frontière israélien de Kerem Shalom. « Des hommes en armes ont tiré dans les roues pour les immobiliser et ont blessé plusieurs chauffeurs, raconte le propriétaire de ces camions, Nahed Shuheibar. Ils ont balancé les cargaisons de farine et de boîtes de conserve pour trouver des cigarettes de contrebande qui y étaient cachées. »
M. Shuheibar est un convoyeur bien établi à Gaza. Voilà plusieurs décennies qu’il travaille pour l’UNRWA, la principale agence de l’ONU dans l’enclave. Ces cigarettes, qui s’échangent à prix d’or à Gaza, avaient été cachées dans ses camions en provenance d’Egypte, à son insu, affirme-t-il. Elles suscitaient la convoitise « de familles mafieuses » gazaouies, précise M. Shuheibar, joint par téléphone puisque l’armée israélienne interdit au Monde comme à toute la presse étrangère de se rendre à Gaza.
De tels incidents se multiplient, depuis l’invasion de la ville frontière de Rafah, le 6 mai, par l’armée israélienne, qui a déplacé un million de personnes. L’Etat hébreu cherche à démanteler les derniers bataillons du Hamas, dans le sud de l’enclave. L’armée détruit aussi les maigres structures de gouvernement qui demeuraient en place, aux mains du mouvement palestinien.
Milice familiale
Le 2 juin, déjà, M. Shuheibar avait dû rendre une visite de courtoisie à des clans mafieux de Rafah, qui, la veille, avaient pris d’assaut l’un de ses convois. « Ces gangs exigent que nous payions pour leur “protection”. Ils s’en moquent si la société gazaouie tombe en ruine, ils ne se préoccupent que de leur argent », affirme-t-il.
Depuis le début de la guerre, M. Shuheibar achemine, avec sa flotte de 60 camions, soit un tiers environ de ceux qui roulent encore dans Gaza, une part de l’aide des Nations unies depuis les frontières. A Rafah, la police gazaouie a escorté ses convois jusqu’en février. Puis Israël a commencé à bombarder ces hommes en uniforme, vestiges d’une autorité gouvernementale aux mains du Hamas depuis 2007. Après mûre réflexion, ces policiers ont recommencé à escorter les convois, en civil et dans des voitures banalisées, confirment deux hautes sources onusiennes. Ainsi, « le Hamas a escorté et sécurisé toute l’aide jusqu’à ce qu’Israël s’empare du point de passage de Rafah », résume le convoyeur.
Ce temps est fini. Le 6 mai, l’Etat hébreu a fermé à Rafah le principal poste-frontière pour l’acheminement de nourriture dans l’enclave. Il réoriente en partie ces circuits à travers ses propres frontières, dans le plus grand désordre. La grande nouveauté, c’est qu’il a autorisé la reprise du commerce de nourriture entre Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza à tout importateur privé désireux de s’y risquer. Moins de 100 camions sont ainsi passés chaque jour par le terminal israélien de Kerem Shalom (au sud).
Il vous reste 65.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.