Des députés manipulés pour soutenir, discrètement, les intérêts du Qatar : l’information judiciaire sur les opérations d’influence en France, ouverte en 2023 par le Parquet national financier (PNF), après les révélations du Monde, de Forbidden Stories et de Radio France dans le dossier « Story Killers », a permis de montrer comment, selon les informations du Monde, l’ex-député écologiste du Rhône Hubert Julien-Laferrière (2017-2024) a manœuvré en coulisse pour inciter des collègues à porter à sa place des pétitions ou des questions au gouvernement (QAG).
Quatre personnes sont actuellement mises en examen pour « corruption » dans ce vaste dossier : le lobbyiste Jean-Pierre Duthion ; l’ex-présentateur de BFM-TV Rachid M’Barki ; le lobbyiste Nabil Ennasri, seule personne placée en détention provisoire ; et l’ex-député Hubert Julien-Laferrière, soupçonné d’avoir été rémunéré pour devenir une pièce centrale de la campagne d’influence du Qatar à l’Assemblée nationale. L’ex-député affirme « n’avoir perçu aucune rémunération », a-t-il fait savoir par la voix de son avocate, Marie Dosé, et dit « réserver ses déclarations à la justice ».
De 2019 à au moins 2022, M. Julien-Laferrière semble avoir usé d’une stratégie habile : s’appuyer sur des sujets de débat politique légitimes pour multiplier les pétitions, QAG et interpellations de ministre favorables au Qatar. La majorité des campagnes ont visé à s’en prendre aux Emirats arabes unis, qui ont conduit, avec l’Arabie saoudite, un blocus sur le petit Etat gazier de 2017 à 2021.
« Si tu fais quelque chose je retweete »
Parmi les éléments qui ont retenu l’attention des enquêteurs se trouvent notamment une pétition sur l’accord diplomatique entre Israël et les Émirats arabes unis, en 2020 ; un appel au boycott du G20 en Arabie saoudite « pour exiger le respect des droits des femmes », la même année ; ou encore, en décembre 2020, une lettre ouverte à Jean-Yves Le Drian, à l’époque ministre des affaires étrangères, sur l’utilisation de l’usine Total de Balhaf comme site de détention secret par les Emirats arabes unis.
Le député a pris soin, à de multiples reprises, de ne pas apparaître comme étant à l’initiative de ces textes, parfois en cherchant à manipuler des députés pour les faire intervenir à sa place. Fin 2020, il attire l’attention de plusieurs collègues connues pour leur engagement féministe sur le sujet du trafic d’êtres humains aux Emirats arabes unis, qui vient de faire l’objet d’un article du quotidien israélien Haaretz. « Si tu fais quelque chose je retweete », écrit-il par exemple à la députée (alors LFI) Clémentine Autain, lui suggérant également de poser une QAG sur ce sujet.
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