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chronologie d’une féroce bataille judiciaire


Julian Assange bientôt libéré ? Après cinq ans passés enfermé dans une prison londonienne et sept ans calfeutré à l’ambassade équatorienne de Londres, le fondateur de WikiLeaks pourrait redevenir un homme libre, mercredi 26 juin. Selon des documents judiciaires dévoilés mardi, l’Australien, poursuivi pour espionnage par les Etats-Unis, a trouvé un accord avec la justice américaine et devrait, lors d’une audience prévue dans la nuit de mardi à mercredi, plaider coupable et être condamné à soixante-deux mois d’emprisonnement, qu’il a déjà purgés. La conclusion, peut-être, d’une longue histoire de révélations et de péripéties judiciaires qui ont tenu le monde en haleine.

1971 : la naissance d’un hackeur

Julian Assange voit le jour en 1971 à Townsville, dans le nord-est de l’Australie, où il vit une enfance bohème auprès d’une mère artiste. Rapidement passionné d’informatique, il se fait un nom, dès la fin de l’adolescence, dans la communauté des hackeurs australiens. Il sera même condamné, en 1996, pour une série de piratages, dont la pénétration d’un réseau de l’armée australienne. Le juge estimera que les intentions du jeune Assange n’étaient pas malveillantes, mais relevaient davantage de la « curiosité intellectuelle ».

Comme nombre de hackeurs, Julian Assange est animé de convictions concernant la libre circulation des savoirs, la liberté de l’information et les vertus de la transparence. Il comprend vite que l’informatique peut faciliter la révélation et la mise à disposition de masses de documents d’intérêt public. Mais elle peut aussi laisser des traces et représenter un danger pour de potentiels lanceurs d’alerte. Il fonde en 2006 le site Internet WikiLeaks, avec cette promesse : permettre à ces derniers de transmettre des documents de façon sécurisée et les dévoiler au grand jour.

2010 : la déflagration WikiLeaks

Julian Assange à Londres, en février 2011.

WikiLeaks commence à faire parler de lui en publiant quelques dossiers, par exemple sur l’évasion fiscale en Suisse. Mais le big bang arrive en 2010 : le 5 avril, WikiLeaks publie une vidéo montrant une frappe aérienne américaine en Irak en 2007, visant un groupe de personnes, parmi lesquelles deux journalistes de l’agence Reuters. Le retentissement est mondial.

Il s’agit du premier d’une vaste série de documents que WikiLeaks publiera dans les mois suivants, en partenariat avec plusieurs journaux comme The Guardian, le New York Times ou Le Monde. Des centaines de milliers de documents secrets de l’armée américaine, concernant les guerres d’Irak et d’Afghanistan.

Julian Assange devient alors une célébrité internationale, charismatique, moderne et capable de tenir tête aux Etats-Unis. Il devient leur bête noire et s’attire notamment les foudres d’Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, sous l’administration Obama.

Dans la foulée, la justice américaine retrouve et arrête Chelsea Manning, la lanceuse d’alerte ayant transmis les documents à WikiLeaks. La militaire sera condamnée à trente-cinq ans de prison (et finalement libérée en 2017 après un geste de Barack Obama). Julian Assange, quant à lui, échappe officiellement aux poursuites. Pour l’administration Obama, son cas est complexe : comment s’attaquer à lui sans s’attaquer en parallèle au New York Times et donc à la liberté de la presse ?

Lire ce portrait de 2010 | Article réservé à nos abonnés Julian Assange, justicier (dé)masqué

2012 : calfeutré dans l’ambassade équatorienne de Londres

Julian Assange lors d’une de ses apparitions au balcon de l’ambassade équatorienne à Londres, le 20 décembre 2012.

Les poursuites vont venir d’ailleurs. En Suède, fin 2010, Julian Assange est visé par des accusations d’agression sexuelle et de viol, portées par deux femmes. Le pays émet un mandat d’arrêt international afin de l’interroger. Alors au Royaume-Uni, l’intéressé clame son innocence et assure que ces accusations ne sont qu’un prétexte pour le faire extrader vers les Etats-Unis. A plusieurs reprises, il conteste ce mandat auprès de la justice britannique, qui refuse systématiquement.

Le 19 juin 2012, Julian Assange se calfeutre dans l’ambassade d’Equateur à Londres, qui lui accorde l’asile. A l’époque, le pays est gouverné par Rafael Correa, ouvertement hostile aux Etats-Unis. Ici, la police britannique ne peut pénétrer.

Le Monde

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Pendant sept ans, le hackeur est confiné dans une petite pièce, dont il ne sort jamais, sauf pour aller sur le balcon, où il fait parfois des apparitions. Les relations se tendent avec le personnel de l’ambassade : ce dernier lui reproche un comportement désagréable, quand l’Australien l’accuse d’espionnage au profit des Etats-Unis. Ses médecins alertent sur sa santé, qui se dégrade au fil des années.

Pendant ce temps, WikiLeaks poursuit son activité : l’organisation s’implique notamment, en 2013, dans la cavale du lanceur d’alerte Edward Snowden, et continue à publier des documents. Dont certains vont durablement écorner l’image de Julian Assange.

2016 : publication d’e-mails de campagne d’Hillary Clinton

Alors que la course à la Maison Blanche atteint son paroxysme, opposant Hillary Clinton à Donald Trump, WikiLeaks publie, en 2016, de nombreux e-mails internes au parti démocrate, qui vont nuire à la campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat. Des documents transmis, selon l’équipe de la candidate, par des pirates proches du Kremlin.

Ces publications marquent un tournant dans l’image publique de Julian Assange. S’il assure ne pas être pro-Trump, cette initiative favorise de fait le candidat républicain, qui déclarera d’ailleurs dans un meeting : « I love WikiLeaks ! » Ses détracteurs lui reprochent d’avoir agi par vengeance personnelle contre Hillary Clinton, et de se conformer à l’agenda du Kremlin. Julian Assange avait aussi perdu plus tôt certains soutiens en diffusant sur WikiLeaks, sans filtre et sans partenariat avec de grands médias, des masses de documents, dont certains avaient mis des personnes en danger.

2019 : arrestation à Londres

Julian Assange dans un fourgon de police peu après son arrestation le 11 avril 2019 à Londres.

Le 11 avril 2019. A la surprise générale, l’Equateur met fin à sa protection : le nouveau président, Lenin Moreno, ne veut plus s’embarrasser de Julian Assange, dont il dénonce « la conduite irrespectueuse et agressive ». Le lanceur d’alerte est immédiatement arrêté par la police britannique. Les images font le tour du monde : Julian Assange est traîné par les policiers hors de l’ambassade, méconnaissable, amaigri, hirsute, avant d’être introduit dans un fourgon et envoyé en prison.

Julian Assange n’est pas arrêté en raison du mandat d’arrêt suédois – l’enquête pour viol, ne pouvant avancer, a été abandonnée. Mais pour violation de sa liberté sous caution : quand il s’était enfermé dans l’ambassade en 2012, il s’était soustrait à son contrôle judiciaire, prononcé par la justice britannique dans le cadre de la procédure d’extradition vers la Suède.

Or, ce que craignait Julian Assange advient. Les Etats-Unis rendent publiques plusieurs inculpations, dont la plus grave pour espionnage, et réclament son extradition. S’ensuit une longue série d’audiences, au cours desquelles la justice britannique doit décider si les faits sont suffisamment graves et crédibles pour justifier l’extradition de Julian Assange, et si celle-ci ne représente pas un danger pour sa santé. Après un premier refus d’extradition prononcé, en janvier 2021, pour raisons médicales, le feu vert est donné par la justice britannique, qui le confirme au fil des appels.

En parallèle, plusieurs journaux ayant par le passé collaboré avec WikiLeaks, parmi lesquels le New York Times, The Guardian et Le Monde, réclament dans une lettre ouverte à l’administration Biden de mettre fin aux poursuites, qui représentent selon eux un « précédent dangereux » pour la liberté d’informer.

2024 : une libération plus proche que jamais

Julian Assange, lundi 24 juin 2024, à l’aéroport Stansted de Londres.

Alors qu’une énième audience devait se tenir, le 9 juillet, sur la question de l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis, des documents judiciaires, dévoilés mardi 25 juin, révèlent qu’un accord a finalement été conclu avec la justice américaine. Selon ces documents, Julian Assange devrait plaider coupable lors d’une audience prévue dans la nuit du 25 au 26 juin devant un tribunal des îles Mariannes, territoire américain situé dans le Pacifique.

Il devrait être condamné à une peine de soixante-deux mois d’emprisonnement, déjà purgés, puis retourner en Australie, libre. Ce qui pourrait marquer la fin d’une longue bataille judiciaire entre le hackeur australien et la première puissance mondiale.



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