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« C’est un moment vital pour le pays, dont j’espère que l’issue ne sera pas tragique »


Salomé Zourabichvili, la présidente de la Géorgie, à Tbilissi, le 2 décembre 2024.

La Géorgie est secouée par d’importantes manifestations depuis la décision, prise le 28 novembre par le premier ministre, Irakli Kobakhidze, de suspendre le processus d’adhésion à l’Union européenne (UE). Dans un entretien au Monde, la présidente proeuropéenne, Salomé Zourabichvili, 72 ans, estime que le parti au pouvoir, Rêve géorgien, est aujourd’hui « très isolé ».

Vous avez annoncé votre décision de ne pas quitter votre poste à l’expiration de votre mandat, le 29 décembre. Cela ne risque-t-il pas d’accentuer l’instabilité du pays, dont vous dites qu’elle profite à la Russie ?

Ce n’est pas une décision, c’est l’interprétation de la Constitution. Les élections législatives du 26 octobre, marquées par des fraudes massives, ne sont pas valides. Par extension, le Parlement élu ne l’est pas non plus, ni le gouvernement qu’il a investi, ni le président que le Parlement va élire le 14 décembre. Tout cela relève d’une espèce de fiction en raison d’une succession d’illégalités.

La passation le 29 décembre, qui marque la fin de mon mandat, n’est valide que si c’est un président légitime. Tant que ce n’est pas le cas, je reste dans ce pays la seule source de légitimité et de continuité, ce qui est le contraire de l’instabilité. S’il y a besoin d’un compromis, il faut bien qu’il y ait un interlocuteur qui puisse le vendre aux gens dans la rue et aux partis d’opposition, et faire le lien avec nos partenaires européens. Et c’est moi.

La Géorgie aura-t-elle deux présidents ?

Moi, je n’ai pas de pouvoir, excepté celui de la parole et de la représentation. Je ne peux rien imposer, hormis prendre la décision de convoquer à nouveau des élections. C’est ce qui doit être l’objet du compromis. Si M. Bidzina Ivanichvili [oligarque et leader informel du pays] décide de renvoyer son premier ministre, alors, conformément à la Constitution, je convoquerai des élections. La solution, c’est qu’il le retire, et que l’on s’entende sur les termes de ces prochaines élections.

Assiste-t-on à une révolution en Géorgie ?

Pas encore. C’est un moment vital pour le pays, dont j’espère que l’issue ne sera pas tragique. Il y a ces jeunes qui sortent spontanément dans la rue. La propagande très russe du pouvoir en place accuse l’opposition et des forces obscures d’être à la manœuvre. C’est faux. Personne ne peut contrôler ces manifestations ni les arrêter. Sauf si on trouve un moyen de rendre à cette population ce qu’elle demande, et qui n’est – pour le moment – pas du tout révolutionnaire, à savoir : « Rendez-moi ma voix, rendez-moi mon avenir européen, et fixons de nouvelles élections ! »

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