LETTRE DE MEXICO
Les champignons dits hallucinogènes, psychédéliques ou magiques ont pris place dans les soirées au Mexique. Malgré la prohibition, ils sont en vente sur des marchés alternatifs et sur Internet, sous forme de microdoses en flacon, de chocolats, ou entiers dans des sachets. Dans les événements plus chics, on les présente en cocktails, en indiquant sur la carte leur taux de psilocybine, le principe actif principal.
Ce nouveau « boom » du champignon inquiète les spécialistes, même s’ils reconnaissent tous sa très faible dangerosité et incidence, par rapport à d’autres produits, qui vont de l’alcool à la cocaïne. « Une prise peut déclencher des crises psychotiques ou de panique, mais cela reste très rare. Il est capital d’être accompagné, car il n’y a pas de garantie sur ce qu’on avale. Il n’existe aucun contrôle de la qualité des champignons à cause de l’interdiction », explique le psychiatre Raul Ivan Orozco, sous-directeur de l’Institut national de psychiatrie (IPN) à Mexico.
Le Mexique abrite 25 % de la diversité mondiale des champignons psilocybes ; un record mondial, avec 53 espèces connues, contre 22 aux Etats-Unis et au Canada et 16 en Europe. Le plus connu, le Psilocybe mexicana, est utilisé depuis toujours par les Mazatèques, dans les montagnes de la sierra Madre de Oaxaca et de son chef-lieu mondialement célèbre, Huautla de Jimenez. La planète l’a découvert à travers le reportage de l’Américain Gordon Wasson, en 1957, dans la revue Life.
Ce banquier new‑yorkais, passionné de mycologie, présente l’expérience de la prise de champignon avec la curandera, la guérisseuse, Maria Sabina, dont il enregistre les chants. La publication suscite un grand intérêt pour l’endroit. De célèbres jeunes Américains, comme les chanteurs Bob Dylan ou Jim Morrison, ou encore les Britanniques John Lennon et Aldous Huxley, se rendent sur place pour rencontrer cette femme, qui mourra dans la plus grande pauvreté en 1985, rejetée par les siens.
La recherche médicale mexicaine s’y intéresse désormais
Aujourd’hui, Huautla surfe comme jamais sur la vague du champignon et du nom de Maria Sabina. Le bourg a créé un festival Maria Sabina et un musée consacré à son histoire. Dans ses maisons et sa forêt, on prend toujours des champignons, lors de cérémonies en présence de guérisseurs. « Il y a évidemment de faux curanderos dans le lot, mais il y a une culture indigène, une médecine, qui permet de tirer parti de l’expérience et dont nous sommes en train de découvrir les savoirs », indique encore Raul Ivan Orozco.
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