Le verdict est tombé après neuf mois de procès, durée record pour une affaire liée au « Janvier sanglant » au Kazakhstan, période de troubles début 2022 dont le souvenir reste traumatisant pour la société. Lundi 11 juin, onze personnes ont été jugées responsables de la prise d’assaut de la mairie d’Almaty, la plus grande ville du pays, et de la résidence présidentielle, deux ans et demi plus tôt.
Une décision injuste pour les avocats des accusés. « Au début, le procureur demandait entre dix ans et douze ans de prison pour ces manifestants », explique Me Rinat Rafkhat, affilié à l’ONG Initiative légale internationale à Almaty. « Face au manque de preuves présentées lors du procès, il a abaissé les réquisitions à un et quatre ans de prison. Comme dans beaucoup de procès liés à janvier 2022, la justice ne considère que la version accusatoire », déplore-t-il.
Des procès semblables s’enchaînent dans les villes où les troubles ont eu lieu. En deux ans, près de 1 400 personnes ont été condamnées pour « participation aux émeutes » du 2 au 10 janvier 2022, des manifestations spontanées qui ont éclaté en réaction à l’augmentation du prix du gaz de pétrole liquéfié, et se sont transformées en révolte politique contre le système autoritaire que continuait de dicter dans l’ombre l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev. Internet coupé, la violence s’était installée dans le pays pendant plusieurs jours.
Craignant un coup d’Etat, le président, Kassym-Jomart Tokaïev, en fonctions depuis 2019, a demandé, le 7 janvier 2022, le déploiement de l’Organisation du traité de sécurité collective, organisation régionale de défense dominée par la Russie, et a appelé à tirer dans la foule « sans sommation » contre les « 20 000 bandits et terroristes » qui, selon lui, voulaient déstabiliser le pays. Selon les statistiques officielles, 238 personnes ont été tuées, et des milliers d’autres blessées.
Procès à huis clos
Le dirigeant kazakh a profité du chaos pour renforcer son pouvoir et purger de l’appareil d’Etat les alliés de l’ancien président Nazarbaïev, dont le chef du comité de sécurité nationale en poste au moment des troubles, Karim Massimov. Celui-ci, condamné à dix-huit ans de prison en avril 2023, a été tenu pour responsable de l’organisation des troubles en vue d’un putsch. Son procès, comme des dizaines d’autres, s’est déroulé à huis clos, et ne permet pas de lever le voile sur le déroulé exact des événements de janvier 2022. « Nous sommes face à un puzzle : on s’efforce de rassembler les pièces pour comprendre ce qu’il s’est passé », s’impatiente l’avocate Aïna Shormanbaeva, présidente de l’Initiative légale internationale.
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