Cette loi eugéniste, abrogée il y a trente ans, est définitivement caduque. La Cour suprême japonaise a jugé inconstitutionnelle, mercredi 3 juillet, la loi aujourd’hui caduque ayant conduit à la stérilisation forcée de milliers de personnes dans le pays, ont rapporté des médias locaux, une victoire majeure pour les victimes.
La plus haute cour du pays a également jugé qu’un délai de prescription de vingt ans pour les demandes d’indemnisation des victimes ne pouvait être appliqué.
Le gouvernement japonais reconnaît qu’environ 16 500 personnes ont été stérilisées en vertu de cette loi eugéniste en vigueur entre 1948 et 1996 au Japon. Pendant cette période, la loi autorisait les médecins à stériliser les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle héréditaire, afin « d’empêcher la génération d’une descendance de mauvaise qualité ».
Selon les autorités japonaises, 8 500 personnes supplémentaires ont été stérilisées avec leur consentement, même si les avocats affirment que ces cas ont probablement été « forcés de facto » en raison des pressions subies.
« J’ai passé soixante-six années angoissantes à cause de cette opération chirurgicale du gouvernement. Je veux retrouver la vie qu’on m’a volée », a déclaré Saburo Kita (le pseudonyme qu’il utilise) qui, à 14 ans, a subi une vasectomie alors qu’il se trouvait dans un établissement pour enfants en difficulté.
Lorsqu’il s’est marié, des années plus tard, il n’a pas pu se résoudre à le dire à sa femme, se confiant à elle seulement peu de temps avant sa mort en 2013. « Ce n’est que lorsque le gouvernement fera face à ses actes et assumera ses responsabilités que je pourrai accepter ma vie, ne serait-ce qu’un peu », avait déclaré M. Kita, aujourd’hui âgé de 81 ans, lors d’une conférence de presse l’année dernière.
Le gouvernement s’excuse
Le nombre d’opérations avait diminué jusqu’à devenir minime dans les années 1980 et 1990, avant que la loi ne soit finalement abrogée en 1996. Cette sombre période de l’histoire japonaise a été remise sous le feu des projecteurs lorsqu’une femme d’une soixantaine d’années a poursuivi le gouvernement en 2018 pour une opération qu’elle avait subie à l’âge de 15 ans, ouvrant ainsi la voie à des poursuites similaires.
Le gouvernement s’est excusé « de tout cœur » après l’adoption en 2019 d’une loi prévoyant une indemnité forfaitaire de 3,2 millions de yens (environ 18 500 euros aujourd’hui) par victime. Mais les survivants estiment que cette somme est trop faible par rapport à la gravité de leurs souffrances et ont porté leur combat devant les tribunaux.
Ces dernières années, des tribunaux locaux ont pour la plupart reconnu que la loi eugéniste constituait une violation de la constitution japonaise. Les juges s’étaient toutefois révélés divisés sur la validité des poursuites au-delà d’un délai de prescription de vingt ans.
« Nous espérons que cette décision ouvrira la voie à des mesures actives de la part du gouvernement pour éliminer le type de mentalité eugéniste » que la loi a engendré, a déclaré à l’AFP l’avocat de M. Kita, Naoto Sekiya.