jeudi, juin 6, 2024
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Au Brésil, la longue histoire de la barbe et de la politique


LETTRE DE SAO PAULO

Josyas Silva Mendes, barbier de plusieurs personnalité brésiliennes, à Sao Paulo.

Josyas Silva Mendes se souvient bien de sa première coupe de cheveux. C’était le 7 mai 1993. Le futur barbier n’a alors que 15 ans et aucune expérience dans le domaine de la coiffure. Sa sœur se marie le lendemain et sa mère, Carmelita, est au four et au moulin. Ni une ni deux, l’adolescent est désigné pour raccourcir les mèches de son petit frère, âgé de 8 ans. Il se munit d’un petit peigne antipoux et d’une paire de ciseaux de couture. « C’est comme ça que tout a commencé ! », s’amuse aujourd’hui M. Silva Mendes.

Trois décennies plus tard, à 46 ans, il n’utilise plus que des instruments professionnels. Josyas Silva Mendes est désormais l’un des barbiers les plus courus de Sao Paulo. Il prend soin des duvets, moustaches et barbiches de personnalités en vue au Brésil : la star du rap Mano Brown, l’ancien activiste, député et candidat à la mairie de Sao Paulo Guilherme Boulos, les chanteurs Jorge Ben Jor ou Seu Jorge…

Dans son salon, Josyas Barbershop, situé au sud de Sao Paulo, une petite armée de barbiers formée par le maître effectue une coupe en quinze minutes chrono. « Nous sommes aussi un lieu de résistance ! », insiste M. Silva Mendes, aux dreads et à la barbe argentée. Situé à la confluence de plusieurs bidonvilles, le salon accueille sambas, débats et une bibliothèque où les passants peuvent s’arrêter, lire ou échanger un livre.

« La barbe a une force très grande »

Les murs sont couverts d’une fresque représentant une favela et de portraits de figures afro-américaines, de Martin Luther King (1929-1968) à Malcolm X (1925-1965), mais aussi brésiliennes comme le président, Luiz Inacio Lula da Silva, sans doute le plus célèbre des barbudos (« barbus ») du Brésil. Josyas Silva Mendes ne fait pas mystère de ses convictions : « Mon rêve, c’est de tailler la barbe de Lula ! Je lui ferais un petit alignement et la laisserais pousser un peu plus ! »

Au Brésil, le poil facial n’est pas à prendre à la légère. « Dans le Nordeste, où est née ma mère, un garçon doit demander l’autorisation de son paternel pour pouvoir raser son premier duvet. La barbe a une force très grande. Elle impose le respect, l’autorité, la maturité », explique M. SIlva Mendes, dont le père, métallurgiste, participa aux grèves ouvrières de Sao Paulo aux côtés de Lula entre 1978 et 1980.

Le poil et la politique brésilienne, c’est une longue et intense histoire qui commence au temps de l’empire et du long règne de Dom Pedro II (1825-1891). Le jeune souverain est un adolescent glabre et sans expérience lors de son couronnement. Dans les années qui suivent, il se laisse pousser une barbe. « La “propagande” de l’époque va l’utiliser à fond pour donner l’image d’un monarque mature, savant, paternel, précocement vieux, prêt à mener la nation malgré son jeune âge », explique l’historienne Lilia Schwarcz.

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