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Après l’appel à un nouveau « Front populaire », retour sur « l’immense espoir » suscité en 1936


Après plusieurs heures de négociations, les différents partis de gauche ont emboîté le pas à l’appel de François Ruffin (LFI) et lancé lundi soir une union des gauches et la « constitution d’un nouveau front populaire », dans le cadre des élections législatives anticipées. La formule fait référence à la coalition, qui en 1936, avait permis à la gauche de l’emporter sous l’égide de Léon Blum. Mais en quoi a-t-elle consisté ? Petit rappel historique. 

 

« Je le dis avec gravité, avec responsabilité, il nous faut une gauche unie, il faut arrêter les conneries. C’est le seul moyen aujourd’hui de faire front au Rassemblement national. Et j’en appelle dès ce soir Marine Tondelier, Olivier Faure, Fabien Roussel, Manuel Bompard pour qu’on se range derrière une bannière commune : une bannière Front populaire ».

Sans attendre l’allocution présidentielle annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, le député de la France insoumise François Ruffin a appelé, dimanche 9 juin, à un rassemblement de la gauche face à l’extrême droite. Pour ce faire, il a invoqué « l’histoire de notre pays » et le souvenir du Front populaire, cette coalition qui avait permis à la gauche de prendre le pouvoir en 1936.

Son appel a été suivi par d’autres responsables des partis de gauche et a abouti, le lendemain, à la « constitution d’un nouveau front populaire ». Dans un communiqué commun,  le Parti socialiste, le Parti communiste, les Écologistes et La France insoumise se sont engagés à « soutenir des candidatures uniques dès le premier tour » des prochaines élections législatives.

« Une référence légendaire de la gauche »

Cette convocation du passé n’a pas été choisie par hasard. « Cela renvoie à une référence légendaire de la gauche. Cela joue sur un réflexe d’unité et d’adhésion », résume ainsi Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne.

Au début des années 1930, cette union semble hautement improbable. Les partis de gauche se montrent particulièrement divisés. « Les socialistes de la SFIO [section française de l’internationale ouvrière] et le Parti communiste [PC] ont été véritablement des frères ennemis entre 1920 et 1934. On était dans la période ‘classe contre classe’ de l’Internationale communiste où on dénonçait ‘les sociaux-traîtres’. De l’autre côté, les socialistes dénonçaient les ‘moscoutaires’ [dénonçant ainsi la dépendance du PC à la l’Union soviétique] », explique cet historien, auteur de « Histoire du Front populaire, 1936, l’échappée belle » (éditions Tallandier).  

Mais plusieurs événements vont changer la donne. À partir de 1931, la France est à son tour touchée par la Grande dépression. La production industrielle chute de moitié, tandis que les faillites se multiplient et que le chômage grimpe. Dans ce contexte d’incertitude sociale, les ligues d’extrême droite accusent le régiment parlementaire. Le 6 février 1934, elles manifestent devant la Chambre des députés. Le rassemblement tourne à l’émeute faisant une quinzaine de morts et près de 1 500 blessés. « Il est perçu à gauche comme un coup de force fasciste et comme les suites de ce qu’il s’est joué en Allemagne avec l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933 ou en Italie avec Mussolini », décrit Jean Vigreux.

Des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre le 6 février 1934, à Paris.
Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre le 6 février 1934, à Paris. © Wikimedia

La gauche jusque-là divisée décide alors de s’unir « face à l’urgence de la patrie en danger ». Dans les jours qui suivent, communistes et socialistes défilent ensemble avec la bénédiction de Moscou. Au mois de juillet, les deux partis signent un « pacte d’unité d’action antifasciste ». En juin 1935, le parti radical, positionné plutôt au centre droit, opère aussi un rapprochement avec la SFIO et le PC. Le 14 juillet 1935, ces trois formations se rassemblent ensemble pour la première fois lors d’une manifestation regroupant 500 000 personnes.

La manifestation du 14 juillet 1935, à Paris, place de la Bastille.
La manifestation du 14 juillet 1935, à Paris, place de la Bastille. © Wikimedia

« Pain, Paix, Liberté »

Le Front populaire est né et se structure autour du slogan « Pain, Paix, Liberté ».  Il remporte une nette victoire aux élections législatives de 1936, envoyant 386 députés sur 608 sièges à la Chambre des députés, dont 147 pour la SFIO.

Le socialiste Léon Blum forme un gouvernement de coalition. En moins de deux mois sont votés la semaine de quarante heures, les congés payés et les conventions collectives. Ce train de réformes marque durablement la société française et le modèle républicain, comme le souligne Jean Vigreux : « Cette politique change effectivement la vie des gens avec notamment les premiers congés payés. Il faut se rendre compte de ce que cela a pu signifier pour la classe ouvrière. Cela a été le symbole d’un immense espoir ».

Voyageurs dans une gare s'apprêtant à partir en vacances, pendant l'été 1936.
Voyageurs dans une gare s’apprêtant à partir en vacances, pendant l’été 1936, grâce aux deux semaines de congés payés obtenus par les salariés au terme de la signature, le 7 juin 1936, des accords de Matignon par le gouvernement de Front populaire . AFP

Mais pour ce spécialiste de la période, il ne faut pas non plus perdre de vue « les désillusions suscitées » par le Front populaire : « Il y a eu trois secrétaires d’État, femmes ; mais cela n’a pas permis d’accorder le droit de vote aux femmes. D’un point de vue colonial, il faut aussi souligner l’inégalité des droits entre ceux qui étaient sous le code des l’indigénat et le reste des colons européens. La non-intervention lors de la guerre civile en Espagne a aussi créé des blessures ».

Le 21 juin 1937, un an et deux semaines après son investiture, Léon Blum rend son tablier. Rappelé à la présidence du Conseil en janvier 1938, il ne tiendra pas un mois. L’aventure du Front populaire prend fin en novembre 1938 avec la répression d’une vague de grèves en riposte aux décrets-lois pris par le gouvernement du radical Daladier, remettant en cause les conquêtes sociales.

Au final, le bilan du Front populaire est mitigé, mais quatre ving-huit ans plus tard, ce rassemblement des forces de gauche est de nouveau invoqué. Jean Vigreux note toutefois que « la temporalité est différente ». Dans les années 1930, cette union a mis deux ans à se constituer, alors qu’en 2024, « le nouveau Front populaire » ne dispose que de trois semaines avant la tenue des législatives. Par ailleurs, même « s’il y a un danger de l’extrême droite », l’historien souligne que la société et le système politique ne sont pas du tout similaires entre ces deux périodes.

Le retour en vogue du Front populaire

Le Front populaire de 1936 bénéficie en tout cas d’un coup de projecteur depuis plusieurs années. « Pendant longtemps, on n’en parlait plus trop, mais cela est revenu à la suite du 21 avril 2002 [le candidat du Front national Jean-Marie Le Pen se qualifiait pour le second tour de l’élection présidentielle face à Lionel Jospin, candidat PS et Premier ministre]. Ce n’est pas forcément de la nostalgie, mais cela renvoie plutôt aux espoirs suscités », estime Jean Vigreux. De nombreux ouvrages, expositions et documentaires lui ont ainsi été récemment consacrés, notamment à son chef de file Léon Blum.

Le président du Conseil, Léon Blum, le point levé lors du 14 juillet 1936, place de la Nation à Paris, en compagnie de  Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste et de Roger Salengro, min
Le président du Conseil, Léon Blum, le point levé lors du 14 juillet 1936, place de la Nation à Paris, en compagnie de Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste et de Roger Salengro, ministre de l’Intérieur. AP

Depuis l’annonce du « nouveau Front populaire », des voix se sont toutefois élevées contre ce rassemblement des gauches. Plusieurs institutions juives ont ainsi dénoncé mardi l’appel à des candidatures uniques à gauche pour les législatives, y voyant une « honte » et un « accord infâme » avec La France insoumise (LFI) qu’elles accusent d’antisémitisme en raison de ses prises de position controversées après les attaques du Hamas du 7 octobre en Israël.

« Front Populaire, 1936 : alliance républicaine contre l’antisémitisme. Front Populaire, 2024: alliance honteuse avec l’antisémitisme », a affirmé l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) qui était allée manifester lundi contre la possibilité d’un accord avec LFI.  La Licra [Ligue contre le racisme et l’antisémitisme] a de son côté déploré un PS « oublieux de sa propre histoire, de sa culture politique et de ses combats humanistes ». « Cela méritait bien un pied de nez à l’Histoire, au ‘Front populaire’, le vrai, et à son leader, le ‘juif Blum », a-t-elle ajouté.

L’auteur de l’histoire du Front populaire y voit l’une « des pierres d’achoppement » dans le débat actuel. Il rappelle qu’en son temps, Léon Blum, issue d’une famille juive d’origine alsacienne avait essuyé une campagne de calomnie : « Lors de son investiture, le député Xavier Vallat, qui s’occupera par la suite des questions juives à Vichy, avait déclaré que la France, vieux pays gallo-romain, allait être gouverné, pour la première fois par un juif ».

Accusé d’être responsable de la défaite de 1940 par le régime de Vichy, Léon Blum est arrêté par les autorités françaises, puis transféré aux Allemands. Il est détenu en tant qu’otage d’État au camp de concentration de Buchenwald de 1943 à 1945. Quatre vingt-huit ans plus tard, le « nouveau Front populaire » se cherche un nouveau Léon Blum. La coalition en vue des élections législatives est actée, mais il reste la question épineuse du choix de son futur leader.

En 2022, après l’accord de la Nupes qui avait permis d’envoyer 151 députés de gauche à l’Assemblée, le nom de Jean-Luc Mélenchon, fort de ses 22 % à la présidentielle, s’était imposé rapidement pour être candidat à Matignon. Mais les positions clivantes du fondateur de LFI sont devenues un repoussoir pour ses alliés. 

Raphaël Glucksmann, premier à gauche de ces européennes avec 13,8 % des voix pour son mouvement Place publique, a exclu d’être lui-même chef de gouvernement ; il a suggéré le nom de l’ex-secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, fer de lance du mouvement contre la réforme des retraites l’an dernier. 





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