Derrière l’une des opérations les plus spectaculaires qu’ait connues la finance européenne depuis la crise financière de 2008 se trouve un personnage réputé déterminé et impitoyable, un banquier de haut vol qui passe pour être le meilleur dealmaker (« négociateur ») d’Europe, au dire de ceux qui l’ont fréquenté ou l’observent en action. En septembre, le président-directeur général de la banque italienne UniCredit, Andrea Orcel, 61 ans, a créé par deux fois la surprise en entrant au capital du prêteur allemand Commerzbank, d’abord à hauteur de 9 %, puis en annonçant, lundi 23 septembre, l’augmentation de sa participation à 21 %.
La manœuvre de M. Orcel, qualifiée d’« hostile » par le chancelier allemand Olaf Scholz, pourrait mener à une fusion et à la création d’un géant bancaire européen. Elle constituerait un test majeur, au moment où les rapports sur la compétitivité et sur le marché unique remis à Bruxelles par les anciens présidents du conseil italien Mario Draghi et Enrico Letta relancent l’idée d’une nécessaire consolidation du secteur à l’échelle de l’Union européenne, dans le contexte de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux.
Avant qu’il en échafaude lui-même, les acquisitions hostiles avaient servi de sujet de thèse universitaire au jeune Andrea Orcel, diplômé en économie de l’université de Rome, après avoir fréquenté le prestigieux lycée Chateaubriand, un établissement scolaire français prisé de l’élite de la capitale italienne. Dans la foulée d’un MBA obtenu au très coté Institut européen d’administration des affaires de Fontainebleau, de passages chez Goldman Sachs et au Boston Consulting Group, la carrière de M. Orcel a décollé chez Merrill Lynch, où il est entré en 1992.
Caractère difficile
Avec lui, la banque d’affaires devient incontournable en Europe pour les fusions bancaires transfrontalières. Il joue alors un rôle important dans la création d’UniCredit – la banque dont il prendra la tête en 2021 –, travaillant sur la fusion à 21 milliards d’euros d’Unicredito et Credito Italiano, en 1998. M. Orcel conseille ensuite la nouvelle entité lors du rachat du prêteur bavarois HVB, lequel offre au groupe italien l’ancrage allemand qui lui sera utile pour son offensive future sur Commerzbank.
En vingt ans à Merrill Lynch, Andrea Orcel gravit les échelons, gagne la confiance des plus grands noms de la finance européenne et se construit une image alliant une certaine virtuosité à un caractère difficile qui lui vaudra d’être surnommé le « Cristiano Ronaldo des banquiers », en référence au footballeur vedette portugais. Son long passage dans la banque d’affaires n’a cependant pas été exempt d’échecs. Ainsi, en 2007, il a conseillé RBS sur l’acquisition d’ABN Amro, une opération qui s’est révélée désastreuse.
Il vous reste 46.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.