« Ce que je pense du phénomène du plombier polonais ? » Derrière le bureau de sa boutique de quincaillerie, où son téléphone sonne jusqu’à 70 fois par jour, Sebastian Karwatowski esquisse un sourire embarrassé. Le « plombier polonais » reste, dans l’imaginaire français, cet étranger, qui, dans la foulée du grand élargissement de l’Union européenne (UE), en 2004, devait mettre les artisans de l’Hexagone au chômage. Mais le temps a passé, et bien des plombiers sont restés, ou revenus, au pays. M. Karwatowski peut en témoigner, lui dont l’entreprise fournit en matériaux ceux de la région de Lublin, dans l’est de la Pologne : en vingt ans, son chiffre d’affaires a été multiplié par huit.
« C’est vrai, il y a eu cette période où les gens sont partis massivement à l’Ouest, se souvient-il. Les temps étaient durs. Mais c’est du passé. Parmi mes connaissances, rares sont ceux qui sont restés là-bas. Depuis une dizaine d’années, on assiste à une vague de retour. » Comme dans tout le pays, le secteur du bâtiment est en plein boom. « Si quelqu’un en a l’envie, il peut très bien gagner sa vie dans la plomberie en Pologne », assure Sebastian Karwatowski. Dans le secteur, les salaires varient entre 4 700 et 7 000 zlotys (entre 1 100 et 1 700 euros), pour un salaire moyen national de 5 800 zlotys (soit plus du double de celui de 2004).
La région dont la ville de Lublin, 330 000 habitants, est le chef-lieu a toujours symbolisé la « Pologne B », celle du « mur oriental », moins développée que la Pologne de l’Ouest. Si l’adhésion à l’UE n’a pas comblé ce fossé, elle l’a considérablement nivelé. En deux décennies, les fonds européens ont métamorphosé ce territoire traumatisé par la transition entre le communisme et l’économie de marché. En 2004, le chômage y était de 20,5 %, avec des pointes à 40 % dans certaines villes. Aujourd’hui, il est tombé à 7,5 %.
La région a longtemps été enclavée en raison d’infrastructures vétustes. Désormais, une autoroute flambant neuve la place à deux heures de Varsovie, la capitale, contre quatre heures auparavant. Un aéroport dessert d’autres villes du pays, mais aussi Londres, la Turquie ou la Grèce. Rares sont les villes ou les villages des environs qui n’ont pas été rénovés, des places aux trottoirs, en passant par les façades des bâtiments. La grisaille des barres d’immeubles héritées du communisme a laissé place à des harmonies arc-en-ciel, qui virent parfois au kitch.
Les subventions européennes accordées aux petites ou moyennes entreprises ont contribué à cette évolution, permettant à des jeunes issus de milieux modestes, sans perspectives, de monter leurs propres affaires. « En pleine rue, des intermédiaires spécialisés dans les démarches pour obtenir des fonds européens nous abordaient en demandant : “Ça vous intéresse de toucher 50 000 zlotys ?” », se souvient, amusé, Dominik Adamek, 38 ans, qui a créé son entreprise d’installation de panneaux solaires et de pompes à chaleur. Un bon filon, car ses clients, des particuliers ou des syndics de copropriété, bénéficient également des financements européens. La Pologne, réputée pour ses centrales à charbon vieillissantes, est ainsi devenue un eldorado de l’énergie solaire.
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