Une simple barrière, un casque bleu d’origine britannique devant son véhicule climatisé et une demi-douzaine de tentes éparpillées là, tapies à l’abri dérisoire des arbres, sous un soleil de feu à dix minutes à peine du centre de Nicosie. Ils sont quatorze migrants demandeurs d’asile à se retrouver bloqués, depuis la mi-mai, dans cette zone tampon des Nations unies qui serpente sur 180 kilomètres de long et divise d’est en ouest l’île de Chypre, entre la République de Chypre au sud, membre de l’Union européenne (UE) depuis 2004, et la République turque de Chypre du Nord, reconnue uniquement par la Turquie.
Deux policiers et des voitures de patrouille font respecter l’interdiction d’approcher. Au loin, de petits groupes de personnes sont assis autour de tables, tuant le temps. Hommes, femmes et enfants, ils sont soudanais, syriens, iraniens et camerounais, selon les informations fournies par l’antenne locale du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui, par la voix de sa porte-parole, Emilia Strovolidou, se dit « extrêmement inquiet pour leur sécurité » et du caractère « inédit de la situation ».
De fait, à moins d’une demi-heure de là, plus à l’ouest, de l’autre côté de la capitale chypriote, près de la petite localité d’Akaki, la même scène se répète à l’identique : onze migrants, tous syriens cette fois, se retrouvent eux aussi empêchés de sortir de la zone depuis plus d’un mois par la police chypriote. « Jamais autant de demandeurs d’asile n’ont été ainsi interceptés et repoussés dans cette zone tampon, souligne la responsable. C’est même la première fois que la police chypriote grecque arrête ainsi des groupes de personnes venant à pied du Nord en tentant de passer par une voie irrégulière au sud. »
Des migrants avaient déjà été piégés dans la zone tampon au cours des années précédentes, mais pas en si grand nombre. En 2021, la police avait repoussé deux Camerounais qui étaient ainsi restés coincés dans cette zone, connue sous le nom de « ligne verte », pendant sept mois jusqu’à ce qu’ils soient transférés en Italie après une visite du pape François à Chypre. Peu après, la police avait empêché un Turc d’origine kurde de passer au sud avant d’obtenir l’autorisation de s’enregistrer dans un camp de transit de l’île.
Forte augmentation des arrivées
Selon Emilia Strovolidou, « l’imbroglio dans lequel sont pris, aujourd’hui, ces groupes de personnes procède des mesures supplémentaires mises en place récemment par le gouvernement pour dissuader toute demande de droit d’asile ». A la mi-avril, le président conservateur, Nikos Christodoulides, à la tête du pays depuis février 2023, a déclaré que son administration gelait le traitement des demandes d’asile des Syriens sur une période de vingt et un mois, soulignant un contexte de forte augmentation des arrivées en provenance du Liban depuis début 2024.
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