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A Abou Dhabi, des dizaines d’opposants et de militants de la société civile condamnés à la prison à vie


Quatre-vingt-quatre opposants politiques et militants de la société civile des Emirats arabes unis (EAU) ont été condamnés, mercredi 10 juillet, à de très lourdes peines de prison, au terme d’un procès collectif de sept mois, conduit dans la plus grande opacité. Les audiences s’étaient ouvertes en catimini, en décembre 2023, alors que les EAU accueillaient la COP28, le sommet mondial sur le climat. Plus de la moitié des accusés, jugés par la Cour suprême fédérale d’Abou Dhabi, ont été condamnés à la prison à perpétuité. Dix autres ont reçu des peines allant de dix à quinze ans de prison. Une seule personne a été acquittée. Vingt-quatre dossiers ont été jugés irrecevables, sans que soit précisé le sort qui attendait les individus concernés.

Tous étaient poursuivis pour avoir fondé ou soutenu une « organisation terroriste », selon l’agence de presse officielle WAM. D’après celle-ci, ce groupe comprenait des membres de la branche locale des Frères musulmans, Al-Islah. Longtemps influent au sein de l’appareil d’Etat émirati, le mouvement a fait l’objet d’une répression implacable au cours de la décennie 2010. Les autorités émiraties redoutaient la propagation sur leur sol des révoltes secouant alors le monde arabe, de la Tunisie à Bahreïn. A partir de 2013, elles ont amorcé le tournant contre-révolutionnaire dans la région, en appuyant le retour au pouvoir de l’armée en Egypte.

Selon le communiqué de WAM, les accusés avaient l’intention de provoquer des incidents violents afin de déstabiliser la monarchie, « de façon similaire à ce qui s’est passé dans d’autres pays arabes ». En outre, six sociétés, accusées d’avoir financé ce projet, ont été sanctionnées pour blanchiment d’argent.

Absence de nouvelles preuves

Pour une majorité d’accusés, ce procès a un terrible goût de déjà-vu. Plus de soixante d’entre eux avaient déjà été condamnés en 2013, lors d’un vaste procès collectif pour subversion. Beaucoup avaient purgé leur peine à l’été 2023, sans retrouver leur liberté. Le pouvoir émirati affirme que l’affaire jugée mercredi était entièrement nouvelle. Mais pour les défenseurs des droits humains émiratis ou internationaux, qui recensent de multiples irrégularités dans les procédures (aveux obtenus sous la torture ou les mauvais traitements, isolement carcéral, restrictions drastiques d’accès aux dossiers pour les avocats, etc.), c’est sur la base d’accusations quasi identiques, « infondées », et en l’absence de nouvelles preuves, que les accusés de 2013 ont été rejugés, un principe contraire au droit.

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