Des policiers cagoulés ont brutalisé puis embarqué Nika Gvaramia, dirigeant d’un parti d’opposition, Akhali, mercredi 4 décembre, selon des images diffusées en direct par la chaîne de télévision indépendante Pirveli. Des perquisitions ont également eu lieu dans les bureaux du parti d’opposition Droa ce même jour.
Sur des images diffusées sur Facebook par une militante de Droa, Tata Khoundadze, des policiers, lors de cette descente, saisissent notamment des bouteilles avec un liquide jaunâtre, des bombes de peinture et des feux d’artifice. Le principal parti d’opposition géorgien, le Mouvement national uni (MNU) de l’ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili, a accusé les autorités d’avoir « lancé une campagne de terreur et de répressions tous azimuts contre les opposants ».
Il a fait état de perquisitions visant deux autres partis d’opposition et accusé la police de confisquer téléphones et ordinateurs portables, ainsi que de bloquer l’accès aux bureaux des jeunes du MNU. « Ces raids violents visent à intimider la population et à réprimer les manifestations », a dénoncé ce parti dans un communiqué.
Des élus d’opposition refusent de siéger
Les manifestations émaillées de violences à Tbilissi, la capitale, ont éclaté jeudi 28 novembre après l’annonce par le pouvoir du report à 2028 des ambitions de cette ex-république soviétique du Caucase d’intégrer l’Union européenne. Ce choix a mis le feu aux poudres dans un climat politique déjà détérioré. Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, est accusé de dérive autoritaire prorusse, et l’opposition assure qu’il a truqué les élections législatives de fin octobre. Les résultats de ces élections ont aussi été remis en question par des pays occidentaux. Des élus d’opposition ont refusé de siéger au Parlement nouvellement élu, dénoncé comme « illégitime » par les manifestants et des experts.
Dans la soirée, des milliers de Tbilissiens favorables à l’Union européenne se sont réunis devant le Parlement pour une septième nuit de protestation contre le pouvoir, accusé d’éloigner ce pays du Caucase de ses ambitions occidentales. Emmitouflée dans des drapeaux géorgiens et européens, par des températures basses, la foule scandait l’hymne national sous les yeux attentifs de dizaines policiers.
Comme les soirs précédents, les manifestants utilisent des lasers verts pour tenter d’aveugler les policiers, en rang d’oignons devant les fenêtres, pour beaucoup cassées, du Parlement. Nombre des participants sont venus équipés de lunettes de plongée ou de masques chirurgicaux pour se protéger des gaz lacrymogènes utilisés en abondance par la police les soirs précédents.
Les six précédentes nuits de mobilisation, qui avaient rassemblé des milliers de manifestants près du Parlement à Tbilissi, ont été dispersées par la police à l’aide de canons à eau et de gaz lacrymogène. Depuis la semaine dernière, des dizaines de milliers de personnes arborant des drapeaux européens et géorgiens sont descendues dans les rues de Tbilissi et d’autres villes de ce pays niché sur les rives de la mer Noire.
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Mardi soir, des affrontements ont encore eu lieu entre la police, qui utilisait un canon à eau et du gaz lacrymogène à profusion, et des protestataires qui lançaient des feux d’artifice dans leur direction. « Onze manifestants, trois journalistes et un policier » ont dû être hospitalisés après ces heurts, a précisé le ministère de la santé. Dans l’après-midi de mercredi, un calme temporaire était revenu sur la place du Parlement à Tbilissi mais une manifestation est encore prévue dans la soirée, au même endroit, faisant craindre de nouvelles violences. Les autorités géorgiennes ont annoncé avoir arrêté ce jour sept personnes accusées d’avoir organisé des violences lors des manifestations ; elles encourent jusqu’à neuf ans de prison.
Presque 300 personnes en détention
Le commissaire aux droits humains géorgien, Levan Ioseliani, a accusé la police de violenter les manifestants « de façon punitive », ce qui constitue « un acte de torture ». Ce défenseur public a dit avoir rendu visite à des protestataires placés en détention et blessés, constatant avec inquiétude que la majorité d’entre eux étaient gravement atteints à la tête ou aux yeux.
Quelque 293 personnes ont été placées en détention depuis le début du mouvement, a annoncé le ministère de l’intérieur mardi soir, et 143 policiers ont été blessés. Le premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, a pour l’heure adopté une ligne intransigeante, menaçant l’opposition et refusant toute concession.
Mercredi, il a promis à nouveau de réprimer « l’opposition radicale » et des ONG qui, selon lui, organisent des « actions violentes » et tentent de déstabiliser le pays. « Personne n’échappera à ses responsabilités », a-t-il averti. La veille, il avait assuré que les Géorgiens l’avaient « mal compris » et que l’intégration européenne « progressait », en dépit du report qu’il a lui-même annoncé.
Irakli Kobakhidze a aussi déclaré, sans preuve, que les manifestations étaient le fruit d’une manipulation organisée de l’étranger. Les manifestants protestent tant en faveur de l’Union européenne qu’en opposition à la Russie et perçoivent les choix du gouvernement actuel comme un rapprochement envers Moscou. La Géorgie reste traumatisée par une brève guerre à l’été 2008 qui l’a opposée à la Russie, qui contrôle encore de fait 20 % de son territoire.