Le scandale qui secoue la politique argentine depuis une semaine, celui des violences présumées de l’ex-président Alberto Fernandez (2019-2023) sur son ex-conjointe, a franchi un cap, mercredi 14 août, avec la réquisition d’inculper l’ex-chef de l’Etat pour coups et blessures avec circonstances aggravantes.
Le réquisitoire du parquet fédéral fait suite à une plainte déposée la semaine dernière par Fabiola Yañez, 43 ans, contre M. Fernandez, 65 ans, avec lequel elle a vécu une dizaine d’années. Depuis la plainte, M. Fernandez fait déjà l’objet d’une interdiction de sortie d’Argentine et d’entrer en contact avec la plaignante.
Dans son ordonnance, à laquelle l’Agence France-Presse (AFP) a eu accès, le procureur Ramiro Gonzalez considère que les faits « pourraient tomber sous le coup des délits de blessures légères et graves, doublement aggravées, et de menaces coercitives ». Il demande notamment l’audition de membres du personnel de la présidence − entre autres le médecin, l’intendant, la secrétaire particulière de M. Fernandez −, les registres d’entrées et sorties, des vidéos et le dossier médical de Fabiola Yañez.
La réquisition d’inculpation requiert techniquement la signature du juge en charge de l’affaire, mais « il est très peu probable », et rare, que le juge ne la ratifie pas, a dit à l’AFP une source proche du dossier.
« Je n’ai jamais frappé une femme », se défend l’ancien président
Dans son argumentaire, le parquet relève « un contexte de violence de genre reposant sur une relation de pouvoir asymétrique et inégale qui s’est développée au fil du temps » et qui a été « accentuée exponentiellement par l’élection de Fernandez » à la présidence en 2019. L’hypothèse du parquet est que, dans ce contexte, Alberto Fernandez a eu « des comportements pénalement répréhensibles ».
Mardi, l’ex-première dame avait été entendue dans le cadre de sa plainte, par un magistrat de Buenos Aires via visioconférence depuis le consulat argentin à Madrid, où elle réside désormais avec le fils qu’elle a eu en 2022 avec M. Fernandez. Dans une déposition écrite préalable à cette audition, elle affirmait que « les abus, le harcèlement, le mépris, les agressions, les coups » s’étaient « avérés être une constante ». Elle évoquait des « gifles quasi quotidiennes dans un contexte de violence verbale ». Et « la coercition » exercée par son ex-conjoint, qui l’avait conduite en 2016 à « la terrible décision d’avorter ».
M. Fernandez, depuis les accusations, a nié toute violence, promettant de fournir des « preuves ». « Je n’ai jamais frappé Fabiola Yañez. Je n’ai jamais frappé une femme », a-t-il réaffirmé dans le quotidien espagnol El Pais de mardi, suggérant avoir été lui aussi victime de violence verbale dans le couple. Il s’est dit résolu à « laisser la justice statuer ».
L’audition de la secrétaire particulière très attendue
La révélation des violences présumées − et quelques photos qui ont filtré d’hématomes de Fabiola Yañez − a fait scandale en Argentine, et a engendré une pluie de condamnations de tous bords politiques.
Pas le moins virulent, le président ultralibéral, Javier Milei, a fustigé, avec une délectation évidente, « l’hypocrisie progressiste » des péronistes (centre gauche), au pouvoir lors de seize des vingt dernières années, et qui se revendiquent champions de la cause des femmes, sur laquelle l’Argentine est en pointe en Amérique latine. « Fernandez, champion du féminisme, qui frappe sa femme… », a-t-il ironisé mardi sur son compte X.
Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application
Les révélations ont aussi fait peser une ombre sur le camp péroniste, qui a promptement pris ses distances avec M. Fernandez depuis les accusations. Mais une partie de la presse se demande à présent combien de personnes étaient au courant et n’ont rien dit.
Dans ce contexte, l’audition à venir de Maria Cantero, secrétaire particulière de longue date de M. Fernandez prend un relief particulier. C’est sur son téléphone, saisi dans le cadre d’une enquête distincte − pour malversations sur des contrats d’assurance − qu’avaient été découverts des photos et des messages échangés avec l’ex-première dame, faisant mention des violences au sein du couple.