Dans la nuit du lundi 5 août, aux alentours de minuit, plusieurs hommes ont fait irruption dans la maison des Chakraborty, des hindous vivant dans le district de Bagerhat, situé dans le sud du pays. Priyonti, la cadette, âgée de 21 ans, a eu le temps de se cacher. « J’ai vu les attaquants frapper mon père à la tête. Il est mort sur le coup », raconte-t-elle par téléphone. Sa mère et sa sœur ont été grièvement blessées, indique-t-elle encore. Priyonti Chakraborty pense que les assaillants ont profité du chaos qui régnait cette nuit-là, après la chute de l’ancienne première ministre Sheikh Hasina, contrainte de fuir en Inde : « Je soupçonne des voisins de nous avoir attaqués afin de nous prendre nos terres. »
Les survivants ont déserté la demeure familiale, dont le sol reste recouvert du sang du patriarche. « Nous ne l’avons pas nettoyé pour que la police puisse récolter les preuves nécessaires à l’enquête », explique Priyonti Chakraborty. Aucune plainte n’a pu être déposée, et aucun travail d’investigation n’a encore eu lieu, la majorité des policiers ayant tout juste repris leurs fonctions après une semaine de grève. Après avoir participé à la brutale répression du mouvement étudiant, ils avaient déserté par peur des représailles. « Qu’allons-nous faire si on nous attaque une nouvelle fois ? », s’inquiète Priyonti Chakraborty.
Longtemps, les hindous ont été considérés comme une base de soutien pour le parti de la première ministre déchue, la Ligue Awami. « Personne dans ma famille ne fait de politique, cela n’a rien à voir avec le départ de Sheikh Hasina, je pense simplement que notre maison a été pillée et saccagée car l’opportunité s’est présentée », proteste Suborna Sharma Mukti, une étudiante hindoue de 23 ans, originaire de Parbatipur, dans le nord du pays, dont la demeure familiale a été visée. « Des vandales l’ont saccagée, nous avions huit vaches, elles ont toutes été volées », raconte-t-elle au milieu des slogans repris par la foule. A Dacca, la capitale, dimanche 11 août, plusieurs centaines de personnes, comme elle, s’étaient rassemblées pour le troisième jour d’affilée dans le but de demander au nouveau gouvernement intérimaire du Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus d’agir.
Selon le porte-parole du Hindu Buddhist Christian Unity Council, des violences sont à déplorer dans tous les districts du pays. La plupart ont ciblé des maisons, des magasins, mais aussi des temples hindous, avec une gravité variable. L’organisation, qui œuvre pour la protection des droits des minorités, a recensé trois morts à travers le pays depuis le début du mois d’août.
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