vendredi, octobre 18, 2024
Home World « Les négociations pour un cessez-le-feu et la libération des otages sont mises...

« Les négociations pour un cessez-le-feu et la libération des otages sont mises à mal »


Des Iraniens brandissent un portrait du chef du Hamas Ismaïl Haniyeh lors de ses obsèques. A Téhéran, le 1er août 2024.

Les gardiens de la révolution iraniens ont annoncé, tôt mercredi, dans un communiqué, que le leader du Hamas avait été tué à Téhéran. Le Hamas a confirmé quelques instants plus tard la mort de son chef, ajoutant qu’il avait été tué lors d’un raid « sioniste ». Ismaïl Haniyeh se trouvait dans la capitale iranienne pour assister à l’investiture du nouveau président, Masoud Pezeshkian. Dans la journée de mardi, il avait rencontré le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.

Elu à la tête du mouvement palestinien en 2017, Ismaïl Haniyeh avait été reconduit en août 2021. Il avait succédé à Khaled Mechaal, qui occupait ce poste depuis 1996. Depuis 2019, il vivait en exil au Qatar.

Quelles sont conséquences l’assassinat de ce chef du Hamas pour son organisation comme pour le Moyen-Orient ? Xavier Guignard, chercheur au centre de recherche indépendant Noria, a répondu aux questions des lecteurs du Monde lors d’un tchat.

Matthieu : Avant de parler des conséquences, à quel point est on certain qu’Israël est bien à l’origine de cette attaque ?

Xavier Guignard : Israël n’a pas pour habitude de confirmer les attaques qu’il mène en dehors de son territoire, que ce soit des bombardements en Syrie ou des assassinats ciblés en Iran. La frappe du 30 juillet ne déroge en ce sens pas à la règle. Au regard des conséquences probables pour Israël, avec la menace de l’Iran et de ses alliés de riposter sur son territoire, on peut imaginer que si Israël n’était pas derrière cette frappe, il le ferait savoir.

Néanmoins, l’origine du tir reste incertaine. L’Iran estime qu’il n’a pu être effectué depuis Israël, pour des questions de portée. Certains analystes israéliens mentionnent un tir depuis l’Iran. Dans le passé, des opérations spéciales israéliennes ont permis l’activation à distance de tirs sur des cibles iraniennes. A ce stade, ce sont les rares éléments dont nous disposons.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Qui dirige vraiment le Hamas ?

Thierry S : Au-delà des rhétoriques habituelles des Iraniens et/ou Hezbollah, quelle est la probabilité d’une généralisation du conflit et les intérêts des parties en présence ?

La régionalisation du conflit est un fait avéré depuis le 7 octobre. Israël a visé les territoires yéménites, syrien, libanais, égyptien et iranien. En retour, des groupes armés présents en Syrie, en Irak, le Hezbollah, les houthistes (Ansar Allah) et l’Iran ont bombardé ou menacé de bombarder Israël.

Ce qui est en jeu, c’est le risque d’une escalade, dans cette dynamique de généralisation du conflit. Le Hezbollah et l’Iran n’y ont pas intérêt, en premier lieu parce qu’ils ont une faiblesse militaire comparée à Israël. Mais le rétablissement des lignes de dissuasion, la préservation de la souveraineté territoriale de ces Etats et les erreurs de calcul rapprochent chaque jour du précipice et d’une entrée dans une confrontation ouverte et de grande ampleur.

Une partie de la classe politique et de l’appareil sécuritaire israélien estime que la menace existentielle qui pèse sur eux n’est pas le fait du Hamas, mais réside dans la présence du Hezbollah à la frontière nord. Une opération majeure israélienne au Liban n’est pas à exclure, même s’il est probable qu’elle entraîne l’ensemble de la région dans le conflit, ce que les alliés d’Israël tentent d’éviter, à commencer par les Etats-Unis.

La paix : En cas de guerre ouverte entre l’Iran et Israël, le jeu des alliances pourrait-il étendre le conflit au-delà du Moyen-Orient ?

Dans un discours récent, Hassan Nasrallah (le chef du Hezbollah) a menacé le territoire de Chypre. Des accords militaires entre Chypre et Israël permettent des entraînements conjoints, y compris terrestres – Chypre dispose d’une topographie semblable à celle du Sud Liban. Même si cette menace semble aujourd’hui écartée, le croisement des théâtres de guerre fait peser un risque majeur, à commencer pour l’Europe.

Le Monde Application

La Matinale du Monde

Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer

Télécharger l’application

L’Iran pourrait ainsi céder aux demandes russes de fourniture de certains types d’armements, notamment des drones, dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine. La rhétorique employée par les deux camps (Israël d’un côté, l’Iran et le Hezbollah de l’autre) est que ce conflit se joue pour ou avec le soutien de l’Occident. Au-delà, je ne vois pas d’alliances (Russie, Chine, Inde) à même de changer le cours de la guerre, même si le paysage politique qui en résulterait serait profondément bouleversé.

Quelqu’un : Avec qui Israël devra-t-il maintenant négocier pour la libération des otages et un cessez-le-feu à Gaza ? Peut-on encore espérer que des négociations aboutissent ?

Les familles d’otages israéliennes ont été les premières à s’inquiéter, et à juste titre, des répercussions. Les négociations n’avançaient que très lentement, mais avec l’assassinat d’un des principaux négociateurs du Hamas, elles ont toutes les chances d’être mises à l’arrêt. Le Qatar a d’ailleurs pris une position très claire par la voix de son ministre des affaires étrangères : à quoi bon organiser des médiations, si un camp assassine l’autre ?

La priorité manifeste du gouvernement israélien n’est pas la libération des otages, dont on a vu en novembre dernier qu’elle pouvait résulter d’une négociation. Reste que le Hamas est le seul interlocuteur compétent si Israël veut obtenir leur libération, et c’est avec ses nouveaux représentants qu’il faudra trouver un compromis tôt ou tard.

Impunité : Qu’en est-il du droit international ? Peut-on assassiner librement, dans un pays souverain, un personnage politique avec qui on est censé négocier une trêve, tout en affirmant qu’on veut poursuivre les négociations ?

Il y a deux facettes à cette question. Notre consœur Amélie Ferey a longuement travaillé sur les doctrines d’assassinats ciblés en Israël, et ses recherches montrent l’effort porté pour offrir un vernis de légalité. En revanche, cet assassinat a un triple coût politique.

Le territoire de l’Iran est effectivement violé dans sa souveraineté, et une telle violation peut entraîner une réponse militaire iranienne (légale ou non). Les négociations pour un cessez-le-feu et la libération des otages sont mises à mal, et Israël montre que les dirigeants politiques, pas seulement militaires, du Hamas sont des cibles. Il est difficile, de ce point de vue, d’imaginer que le cabinet de guerre israélien souhaite réellement l’aboutissement des négociations, auxquelles il vient de porter un énième coup.

Alix A : En quoi l’exécution d’un chef terroriste reconnu comme tel (à l’instar de Ben Laden) n’est-elle pas saluée par l’ensemble des Occidentaux, y compris l’ONU ?

Le Hamas est inscrit sur certaines listes de groupes terroristes, notamment par l’Union européenne et les Etats-Unis, mais des Etats voisins continuent d’entretenir des liens avec ce mouvement (la Norvège et la Suisse par exemple). Le manque de consensus quant à la qualification du Hamas dans son ensemble vient du fait que c’est à la fois un groupe armé qui a commis des crimes de guerre (et potentiellement contre l’humanité), un mouvement politique représenté au parlement palestinien et l’administration d’un territoire occupé, la bande de Gaza.

Ismaïl Haniyeh était un interlocuteur direct ou indirect de nombreuses chancelleries et non le cerveau des attaques du 7 octobre. Les déclarations des différentes diplomaties sont encore attendues, mais le risque d’un embrasement de la région explique probablement le faible enthousiasme pour cette opération attribuée à Israël.

Dierx : L’opinion publique israélienne pense-t-elle véritablement que l’élimination de hauts responsables du Hamas est en mesure d’endiguer toute forme de résistance politique ou terroriste à l’occupation sanctionnée par la CIJ (arrêt du 19 juillet 2024) ?

L’opinion publique israélienne est morcelée. Une partie de la population considère que c’est une victoire, dans une guerre qui manque cruellement de succès et de lisibilité. Cet assassinat s’inscrit dans une longue tradition de ciblage de dirigeants palestiniens (islamistes, nationalistes ou de gauche), sans que leur disparition n’ait eu le moindre effet sur la dénonciation populaire de l’occupation. Des dirigeants sécuritaires, certains secteurs des mobilisations sociales des dernières années, et plus récemment des familles des otages, y voient au contraire un danger immédiat quant à la possibilité de négocier une sortie de conflit.

Paulette Dupont : Peut-il y avoir des représailles iraniennes à l’étranger contre des intérêts israéliens, des citoyens israéliens ou même des binationaux ne résidant plus en Israël ?

Contrairement au Hamas, le Hezbollah et l’Iran ont déjà conduit des opérations extérieures pour viser des intérêts considérés comme israéliens. Dans la panoplie des possibilités, le ciblage de figures clés (ambassadeurs, dirigeants) à l’étranger est une option crédible. Celui de civils (nationaux ou binationaux) l’est moins, si on s’en tient aux déclarations iraniennes qui excluent à ce stade toute réaction qui ne serait pas tournée vers des cibles militaires ou politiques. Encore faut-il se fier à ces déclarations.

Mais la logique d’une réponse visant à asseoir la dissuasion iranienne nous invite à penser que des cibles civiles sont à exclure, puisque n’entraînant aucun autre effet qu’une condamnation sans équivoque et la démonstration d’une relative faiblesse opérationnelle.

Historien & Géographe perdu… : Reste-t-il des figures modérées au sein du Hamas ? Cet assassinat ne risque-t-il pas de renforcer le camp des partisans de la violence ?

Le Hamas dispose d’instances de direction élues durant ses congrès. Dans l’immédiat, Ismaïl Haniyeh risque d’être remplacé temporairement par un membre du bureau politique, les noms de Khaled Meshaal, Moussa Abou Marzouk et Khalil Al-Hayya circulent. Dans les prochains mois, un vote devrait venir confirmer ce mandat provisoire ou renouveler la direction. Si d’évidentes lignes de fracture existent au sein du parti (sur la stratégie politique et militaire, les alliances, la normalisation du parti, etc.) il serait très audacieux d’imaginer qu’elles vont conduire à un schisme à la suite de l’assassinat de Haniyeh.

Les dirigeants du Hamas se savent menacés : le Cheikh Ahmad Yassine a été assassiné, Haniyeh et Meshaal ont déjà été visés par le passé. La question de l’équilibre des forces entre partisans d’une solution politique et ceux qui sont engagés dans un affrontement militaire avec Israël ne se trouvera pas bouleversée par la mort de Haniyeh.

L’absence de perspective politique, la volonté explicite d’Israël de s’opposer à tout Etat palestinien, le durcissement autoritaire du gouvernement de Mahmoud Abbas sont là des facteurs beaucoup plus importants pour comprendre, au sein du Hamas comme en dehors, la « radicalisation » en cours.

PauloDeCharvo : Pourriez-vous nous éclairer rapidement sur la position de la Jordanie, dont on entend peu parler, dans ce contexte de tensions régionales ?

Les mirages d’une normalisation progressive avec Israël ont laissé place à la réalité d’une polarisation violente et d’une conflictualité accrue de la région.

Dans ce cadre, la Jordanie doit composer avec un nombre de faiblesses importantes : économie du tourisme réduite à néant depuis octobre, montée des critiques de sa population (pour partie d’origine palestinienne, mais aussi venant des partis islamistes ou de certaines tribus du sud du pays), dénonciation par l’Iran de son rôle d’appui dans la défense d’Israël. Sur ce dernier point, si la Jordanie a refusé de communiquer autrement que sur la protection de son espace aérien, il semble avéré que les aviations israéliennes et américaines ont utilisé le ciel jordanien.

La sauvegarde du royaume à court terme est liée à son alliance et son alignement avec les Etats-Unis. Mais à moyen terme, les pressions domestiques et régionales, ainsi que le refroidissement de ses relations avec Israël, pourraient inciter la monarchie hachémite à assurer son ancrage régional plutôt qu’à se positionner comme supplétif américain.

Le Monde

Réutiliser ce contenu



Source link

Must Read

video

Superman death part-3 superman and Lois clips #superman #singhamagain #coc #shorts #news

Superman death battel part-3 superman and Lois clips #superman #singhamagain #supermanvsblackadam #shorts #news ... source

Bill criminalising 'child-free propaganda' passes first reading in Russia's State Duma

Bill criminalising 'child-free propaganda' passes first reading in Russia's State Duma Source link

Sinwar’s death offers an opening to end the war in Gaza – and a test for Netanyahu

The killing of Hamas’ leader Yahya Sinwar is a major symbolic and military victory for Israel a year after the hard-line ideologue masterminded...