En neuf mois de guerre dans la bande de Gaza, Mohamed Salam avait toujours refusé de quitter sa ville mais, depuis mercredi 10 juillet, il doute, il a peur. Au petit matin, l’armée israélienne a largué des tracts sur toute la métropole de Gaza. M. Salam en a photographié un exemplaire sur sa terrasse, qu’il a transmis au Monde, interdit par Israël d’accéder à l’enclave palestinienne, comme tous les médias internationaux.
Le tract, signé de l’armée israélienne, ordonne aux « présents » à Gaza – et non plus aux « habitants », comme par le passé – d’évacuer la cité et de se diriger vers le sud. « Des passages ouverts vous permettent de passer rapidement et sans fouille », promet l’armée, avant de menacer : « La ville de Gaza va rester une zone de combats dangereuse. »
« Nous vivons sous tension depuis dix jours, raconte Mohamed Salam par téléphone. Les chars de l’armée sont dans le quartier de Chadjaya, à 1 kilomètre de chez moi. Il est possible qu’ils viennent vers nous à tout moment. Le Nord, le Sud… Il n’y a aucun endroit sûr où aller », estime-t-il. Dans son quartier, des familles ont décidé de fuir. D’autres préfèrent rester et s’abandonner à la loterie meurtrière des bombardements israéliens, la marque distinctive de cette guerre qui a fait plus de trente-huit mille morts depuis octobre 2023, selon le ministère de la santé gazaoui.
« C’est comme si la guerre avait recommencé, comme si c’était le premier jour. Des ceintures de feu embrasent toute la ville et les explosions secouent Gaza. Les obus tombent presque sans interruption, les drones quadricoptères et les hélicoptères tirent », témoignait, dès le 7 juillet, sur son compte Instagram, le photographe Omar El Qattaa, décrivant cette nouvelle offensive.
Multiplication des ordres d’évacuation
C’est la deuxième fois que l’armée ordonne l’évacuation de la grande cité côtière palestinienne, depuis un premier ordre délivré le 13 octobre 2023, six jours après l’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël. En trois mois, un million de personnes avaient déserté la moitié nord de l’enclave. Plus de trois cent mille sont toutefois demeurées dans la ville largement détruite, selon une estimation du Programme alimentaire mondial (PAM). Ce sont les plus pauvres et ceux qui peinent à se déplacer. Certains veillent sur des parents âgés. D’autres refusent de se soumettre à l’exode sans fin imposé par les ordres d’évacuation que l’armée multiplie ces dernières semaines, partout dans l’enclave. « Nous imposons une pression militaire sous différentes formes [à travers la bande de Gaza] », expliquait, le 9 juillet, le chef d’état-major, Herzi Halevi, à des officiers de la 99e division déployés dans la ville.
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