Quand le présent est rude, on rêve à des jours meilleurs en écoutant A Change Is Gonna Come. Ecrite par le chanteur soul américain Sam Cooke, peu avant son assassinat, en 1964, dans une Amérique en proie à la ségrégation raciale, la chanson est devenue un hymne de la lutte pour les droits civiques. Le 21 juin, elle résonnait dans le Concertgebouw de Bruges. Le centre international de musique et des arts scéniques belge accueillait la cérémonie de clôture de l’année universitaire au Collège d’Europe. Cette « ENA européenne » forme, depuis 1949, les futurs cadres de l’Union européenne (UE).
En 2024, les festivités de fin de parcours, intervenues quelques jours après des élections européennes marquées par la poussée de l’extrême droite, avaient une saveur particulière.
Anton Sauder, 25 ans, Allemand, et Zelda Rosental, Franco-Italienne, 23 ans, tous deux étudiants du Collège d’Europe, interprètent le morceau de Sam Cooke comme un hommage à la lutte contre les discriminations et l’exclusion. « Nous sommes dans une position unique pour changer les choses, œuvrer pour une Europe solidaire, et non une forteresse retranchée dans la haine », explique sur scène Anton Sauder. Le jeune représente les étudiants de la promotion sortante. Une génération qui s’apprête à rejoindre la fonction publique dans une période historiquement difficile, marquée par la guerre de la Russie contre l’Ukraine, le conflit entre Israël et le Hamas, et la percée du populisme.
« Chaque génération ressent l’appel de l’histoire. Chaque génération est confrontée à des défis qui la définissent. Mais lorsqu’on jette un regard rapide sur le monde qui nous entoure, il est juste de dire qu’on demande davantage à votre génération qu’à nombre de générations avant elle », a souligné le président de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, invité pour la cérémonie de clôture. L’établissement a pour tradition de convier des hommes d’Etat pour partager leur vision de l’Europe.
Dialogues polyglottes
Situé dans le cœur géographique du Vieux Continent, le Collège d’Europe vit au rythme de l’actualité européenne. Les soirs d’Eurovision, de championnat d’Europe de football ou d’élections, les rues pavées du centre historique de Bruges, généralement animées par les dialogues en plusieurs langues des jeunes du Collège, sont silencieuses. Les 339 étudiants sont rassemblés dans les résidences étudiantes, devant la télévision.
La dissolution de l’Assemblée nationale en France, dans la foulée des élections européennes du 9 juin, a été abondamment commentée. « On suit la crise chez Les Républicains comme si c’était un feuilleton, on se fait chambrer par les autres nationalités. On s’interroge sur l’évolution de la position française au sein de l’UE : la France va-t-elle bloquer les initiatives communes ? L’UE sera-t-elle affaiblie dans son soutien à l’Ukraine ? », raconte Aurélien Boronat, 23 ans, en master d’études juridiques européennes au Collège d’Europe.
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