Le cratère de 9 mètres de profondeur, noirci par les flammes, raconte à lui seul toute la violence des frappes aériennes. Le 10 septembre, en pleine nuit, l’armée israélienne a bombardé le camp d’Al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza, pourtant désigné comme zone humanitaire. Depuis la riposte israélienne aux massacres du 7 octobre 2023 par le Hamas, ce coin exigu, collé à Khan Younès, accueille des centaines de milliers de déplacés. Pour justifier leurs tirs, les dirigeants israéliens ont assuré qu’un centre de commandement du Hamas était piloté depuis les tentes de ce village côtier.
Ce jour-là, quand elle arrive sur place depuis son appartement de Khan Younès, Ruwaida Amer, 30 ans, s’émeut face à l’ampleur du chaos. Carnet et stylo à la main, la journaliste du magazine en ligne israélo-palestinien + 972 commence par recueillir le témoignage de Fatima Al-Qadi, une mère de famille qui lui raconte, la voix tremblante, comment son fils de 3 ans est mort enseveli sous la terre après qu’une bombe a explosé et amputé ses deux autres enfants de 6 et 8 ans… « Je ne sais pas si nous pourrons un jour nous remettre de tout ça », glisse la jeune femme endeuillée à la reporter, elle-même émue aux larmes.
En un peu plus d’un an de guerre, quarante mille personnes environ, parmi lesquelles de nombreux civils et cent trente journalistes, ont été tuées dans la bande de Gaza. L’ouverture d’un second front par l’armée israélienne au Liban, fin septembre, écarte pour l’instant l’espoir d’un cessez-le-feu. « Grâce à notre travail, personne ne peut ignorer ce qui se passe dans la bande de Gaza », écrit Ruwaida Amer, par WhatsApp.
Ancienne enseignante dans une école primaire de Khan Younès, Ruwaida Amer avait déjà l’habitude de produire, pour des agences de presse comme Euronews, de courtes vidéos en anglais sur de jeunes Gazaouis, membres d’un club de surf local ou d’un des rares groupes de rock de la ville. En octobre 2023, choquée par les milliers de victimes des bombardements israéliens, elle a proposé des reportages au site d’information indépendant + 972. Depuis, elle enchaîne les interviews de blessés et de familles de victimes, malgré les crises de larmes et les moments de découragement qui la rattrapent.
Les reporters de + 972 donnent une voix aux Palestiniens touchés par cette guerre brutale. Avec l’équipe d’Al-Jazira et quelques reporters indépendants, ils font partie des rares journalistes à travailler dans le territoire enclavé, dont le gouvernement israélien interdit l’accès aux médias internationaux. Créé en 2010 avec un statut d’organisation à but non lucratif, le quotidien numérique publie ses reportages sur deux sites distincts : en hébreu sur Local Call (« appel local ») et en anglais sous le nom de + 972. Un nombre en référence à l’indicatif téléphonique partagé entre Israël et la Palestine.
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