jeudi, octobre 3, 2024
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voyage au bout de la nuit libanaise


Livre. Sur les présentoirs des librairies, où commence à éclore une série d’ouvrages consacrés à l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël et à la guerre de Gaza, dont on célébrera bientôt le premier anniversaire, le livre du journaliste franco-libanais Marwan Chahine, intitulé Beyrouth, 13 avril 1975. Autopsie d’une étincelle (Belfond, 560 pages, 22 euros), pourrait intriguer. A quoi bon retracer la genèse d’une vieille guerre, celle qui a ensanglanté le pays du Cèdre entre 1975 et 1990, quand un autre territoire côtier, quelques centaines de kilomètres plus au sud, est enseveli sous les bombes ?

Au regard des quarante mille morts de la bande de sable palestinienne, le propos de cet ancien correspondant de Libération au Caire – reconstituer l’attaque, le 13 avril 1975, d’un bus de fedayins palestiniens par des miliciens chrétiens libanais, massacre inaugural de la guerre civile libanaise – pourrait sembler déplacé. Mais c’est tout le contraire : son livre est un récit vagabond formidablement attachant. Entremêlant la grande et la petite histoire, au carrefour de l’enquête, de l’essai et de l’autobiographie, il en dit long, non seulement sur le Liban, mais aussi sur le Moyen-Orient, cette région saoulée de violences, souvent prisonnière de ses mythes et de ses martyrs.

Sur l’affaire de l’autobus criblé de balles, appelé le « Bosta », devenu l’emblème de la guerre civile, au point qu’il fut exposé en public en 2011, chaque camp a sa version, figée dans le marbre. Un guet-apens, arguent les Palestiniens, qui accusent les Kataëb (Phalanges), la principale formation maronite de l’époque, d’avoir délibérément déclenché le conflit. Un acte de représailles spontané, soutiennent de leur côté les chrétiens, qui font valoir que juste avant l’arrivée du bus dans le quartier d’Aïn El-Remmaneh, dans le sud de Beyrouth, leur leader, Pierre Gemayel, aurait échappé de peu à des tirs de fedayins.

« Une guerre des mémoires »

« Il n’y a pas de mémoire de la guerre au Liban, mais une guerre des mémoires », souligne fort justement Marwan Chahine, alors qu’il s’aventure sur ce champ de mines. Entêté et passionné, l’auteur s’immerge dans la presse de l’époque, exhume les rapports de police et part sur les traces des témoins et des protagonistes du drame qui seraient encore vivants, plus de quarante ans après les faits. Un jeu de piste, raconté d’une plume alerte, à travers la banlieue chrétienne pauvre et les camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth, terrains de recrutement, dans les années 1970 et 1980, des abadaye (hommes de main), le prolétariat de la guerre civile.

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