Depuis l’annonce par l’Allemagne, début septembre, du rétablissement des contrôles à ses frontières intérieures, l’Europe a remis au premier plan le débat sur l’immigration. Le premier ministre britannique travailliste, Keir Starmer, s’est rendu en Italie pour s’informer sur la politique migratoire restrictive de la présidente du conseil, Giorgia Meloni. Les Pays-Bas et la Hongrie ont officiellement demandé à la Commission européenne, mi-septembre, une dérogation pour ne plus participer à la politique migratoire commune en cas de révision des traités, tandis qu’en Autriche le sujet a dominé la campagne législative.
En France, à peine nommé au ministère de l’intérieur, Bruno Retailleau a annoncé, le 23 septembre, qu’il souhaitait mettre fin au « désordre migratoire », moins d’un an après la dernière loi restrictive sur le sujet, tandis que la première ministre danoise, la sociale-démocrate Mette Fredriksen, affirmait : « Nous devons malheureusement être très durs en matière d’immigration. » Désormais, résume-t-on à Bruxelles, il n’existe plus aucun tabou sur cette question.
Pourquoi un tel durcissement des discours, alors que les arrivées irrégulières ont baissé de 39 % depuis le début de 2024 (à 140 000 personnes) et que le million de demandes d’asile annuelles, certes à leur plus haut niveau, reste modeste au regard d’un continent de 450 millions d’habitants ? De droite comme de gauche, les dirigeants européens se sont raidis sur ce sujet et ils n’hésitent pas à emprunter les idées que l’extrême droite défend depuis quarante ans.
« Une manière de polariser le débat »
« D’un pays à l’autre, ces annonces sont souvent liées à des séquences électorales, note Matthieu Tardis, chercheur au centre de réflexion et d’action Synergies migrations. En Allemagne, le rétablissement du contrôle des frontières est intervenu après une lourde défaite du SPD [Parti social-démocrate] dans certains Länder face à l’AfD, le parti d’extrême droite, ainsi qu[’après] des faits divers tragiques [notamment l’attaque au couteau à Solingen par un réfugié syrien, le 23 août]. En France, la fermeté en matière de gestion migratoire est pour le nouveau gouvernement un marqueur politique fort. C’est devenu un totem et une manière de polariser le débat. »
Pour l’Allemagne et l’Autriche, « les récentes annonces sont la conséquence de dix ans d’accueil très important, rappelle Gerald Knaus, le président autrichien d’Initiative européenne de stabilité. Entre 2014 et 2023, l’Allemagne a accueilli 35 % des demandeurs d’asile en Europe, soit 2,5 millions de personnes, et reconnu le statut de réfugiés à 1,4 million d’entre elles. C’est près de la moitié de tous les réfugiés accueillis en Europe ». L’Autriche a accueilli, en proportion de sa population, le plus important contingent de réfugiés. « Après de grandes vagues d’arrivées, vous avez toujours un contrecoup, un retour à une politique protectionniste. Cela a été le cas aux Etats-Unis après chaque grande vague migratoire », remarque le politologue Ivan Krastev, du Centre pour les stratégies libérales de Sofia.
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