A Barsalogho, lundi 26 août, ce sont des femmes qui ont creusé les tombes. Comme la veille. « Il ne reste presque plus qu’elles dans le village. Quasiment tous les hommes ont été tués ou blessés », raconte une personne originaire de cette localité du Centre-Nord qui a perdu huit membres de sa famille samedi 24 août. Ce jour-là, Barsalogho a été le théâtre de l’attaque djihadiste la plus meurtrière de l’histoire du Burkina Faso.
En début de matinée, des dizaines d’assaillants ont mitraillé des centaines d’hommes qui étaient en train de creuser, sur injonction de la junte au pouvoir, une tranchée autour de leur village, censée les protéger des attaques devenues récurrentes. Deux vidéos tournées par les assaillants, visionnées par Le Monde, montrent des tas de corps d’hommes ensanglantés, gisant dans l’excavation, au milieu de pelles et de pioches abandonnées. Autour d’eux, des dizaines de djihadistes tirent. Certains exécutent à bout portant les hommes au sol qui tentaient de fuir.
Selon des sources sécuritaires, humanitaires et locales jointes par Le Monde, plusieurs centaines de civils ont été tués samedi dans cette attaque, revendiquée par le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida). Sur les extraits vidéos visionnés, qui ne montrent qu’un versant de la tranchée, on dénombre plus de 110 cadavres. Il y en aurait « au moins 400 », selon le Collectif justice pour Barsalgho (CJB), créé au lendemain du drame.
« Des coups de ceinturon »
Dans une déclaration publiée dimanche, cette organisation, qui refuse de dévoiler l’identité de ses membres par crainte de la répression de la junte, a confirmé ce que plusieurs sources évoquaient plus tôt : samedi, à Barsalogho, « les chefs du détachement [militaire] sur place ont obligé, à travers des menaces, les populations à participer aux travaux, contre leur gré ».
Les jours précédant l’attaque, seuls quelques civils avaient accepté de participer à la réalisation de cette tranchée, située à environ 3 kilomètres du village, non loin des positions du GSIM, qui impose depuis deux ans un blocus à ses habitants. Ces derniers « ont été voir le chef du détachement pour lui demander d’organiser l’opération autrement, en l’alertant sur le risque d’attaques. Mais il n’a rien fait, bien au contraire », explique la personne originaire de Barsalogho citée plus haut. Deux mois plus tôt, à 25 kilomètres de là, le GSIM avait exécuté trente membres des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, supplétifs de l’armée) qui avaient eux aussi creusé des tranchées, à Noaka.
Il vous reste 59.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.