Le Sud s’inquiète et s’appauvrit. Pour une raison trop rarement mentionnée : le recul de la mondialisation dite « néolibérale ». En Afrique, en Asie, en Amérique latine, la stagnation libre-échangiste actuelle est un fléau. La montée du protectionnisme occidental, doublée d’une baisse tendancielle de l’aide internationale, frappe les plus pauvres de la planète.
Au plus fort de la globalisation économique, de 1980 à 2009-2010, l’écart de richesse entre le Sud et le Nord n’a cessé de se réduire – même si, de part et d’autre, à l’intérieur des pays concernés, la mondialisation creusait les inégalités. Mi-septembre, la directrice de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la dynamique Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, sonnait l’alarme. Entre le Nord et le Sud, le fossé s’agrandit de nouveau. Depuis 2009-2010, le commerce international ne progresse plus et la planète devient (encore) plus inégalitaire.
Le plafonnement des échanges n’est sans doute pas seul en cause, mais il est source de misère et, qu’il soit dû à la lutte contre le réchauffement climatique ou imputable à des considérations stratégiques, aux Etats-Unis et en Europe, le résultat est le même : les plus vulnérables des pays du Sud « trinquent », écrivait le grand économiste indien Shekhar Aiyar dans le New York Times, le 30 août. La patronne de l’OMC dénonce la croissance continue des restrictions, obstacles et barrières à la globalisation des échanges – dix fois plus importants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dix ans plus tôt.
L’air du temps est à la protection douanière. Comme si, un quart de siècle plus tard, les dizaines de milliers de manifestants antimondialisation, réunis à Seattle en 1999 ou à Gênes en 2000, notamment, tenaient une manière d’amère revanche. Volontiers tiers-mondistes, ils n’imaginaient pas que le Sud revendiquerait un jour davantage, et non pas moins, de libre-échange !
Rivalité avec la Chine
La vague protectionniste occidentale actuelle a des causes multiples. Elles vont de la crise financière de 2008-2009 à la prise de conscience post-Covid des vulnérabilités de certaines chaînes de valeur dans des secteurs stratégiques. S’y ajoutent les exigences de la bataille climatique et, pour les Etats-Unis, la rivalité avec la Chine dans les technologies de l’avenir. Enfin, ce moment protectionniste est aussi une réponse occidentale à la politique économique de Pékin. Aux dépens de la consommation intérieure, la Chine fonde sa croissance sur un blitz à l’exportation – un assaut planifié et survitaminé aux subventions publiques.
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