Ils sont quelque 8 200, dont 1 200 enfants, mais jamais une enquête ne leur avait été consacrée. Les Cours des comptes française et belge, liées par une convention de coopération signée en 2023, ont toutefois fini par étudier la situation des Français en situation de handicap hébergés en Wallonie. Et les conditions de cet accueil, financé conjointement par l’Assurance-maladie et les conseils départementaux à hauteur de quelque 500 millions d’euros, posent de nombreuses questions.
Les rapports, en partie conjoints, publiés mardi 17 septembre, évoquent notamment des dérives et des manquements, parfois graves, dans une soixantaine de centres d’accueil. Ils mettent au jour l’existence, depuis 2015, de violences physiques ou verbales, de négligences sur le plan médical, de privations de nourriture en guise de punition, etc. Mais aussi des mises en danger de résidents par défaut de surveillance, voire des « défauts de soins pouvant conduire au décès ». Quant aux délais entre le constat d’un manquement et l’application d’une sanction, « ils peuvent dépasser deux ans », cingle le rapport commun.
Les contrôles sur la qualité de la prise en charge dans ces institutions, qui emploient, au total, quelque 5 000 travailleurs, sont jugés très insuffisants. Un système d’inspection franco-belge a été mis en place, mais l’application de ses critères « n’a pas pu être vérifiée », analyse le rapport commun. Qui ajoute : « Le nombre exact d’audits annuellement réalisés et le temps de travail qui y est consacré ne peuvent être précisément déterminés. » Deux médecins étaient prévus dans l’équipe de contrôle, mais elle n’en compte plus qu’un et « aucune procédure n’encadre son activité ».
Absence de « pilotage efficace »
Sur le plan financier, l’Agence wallonne pour une vie de qualité (AVIQ), chargée du handicap et de la santé, ne contrôle que les seules subventions régionales de la Wallonie. Cela a parfois entraîné des suspicions de détournement, note le rapport français. Les autorités françaises n’exercent quant à elles « aucun contrôle » des subventions qu’elles octroient. De quoi penser que des pratiques douteuses peuvent perdurer, ou que l’argent est parfois dépensé à d’autres fins que celles pour lesquelles il est octroyé. « Le risque d’un enrichissement indu ne peut être écarté », estime la cour française, qui évoque des « anomalies », comme le versement de dividendes aux gestionnaires des centres, des rémunérations très élevées et des montages financiers complexes.
Phénomène ancien, lié à la proximité géographique et linguistique, l’accueil de personnes françaises en situation de handicap en Wallonie a connu une forte expansion entre 2009 et 2017. Il a été encadré par un accord signé par le gouvernement régional et le gouvernement français en 2011. Un texte qui prévoyait notamment une offre « étanche » : un usager wallon ne peut, en principe, prétendre à une place financée par la France, et inversement. En 2021, Paris a, par ailleurs, décrété un moratoire pour tenter de limiter le coût de cet hébergement et d’organiser une réponse de proximité en mobilisant les agences régionales de santé du Grand Est, des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France.
Il vous reste 30.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.