Une visite à l’Université catholique flamande de Louvain et un détour inattendu par les locaux d’une institution de religieuses s’occupant de personnes âgées dans un quartier populaire de Bruxelles, n’auront pas éclipsé, vendredi 27 septembre, le sujet qui était au cœur de la visite de trois jours du pape François en Belgique, à savoir les violences sexuelles au sein de l’Eglise catholiques. Luc Sels, le recteur de l’université de Louvain, dans le discours qu’il a adressé au chef de cette Eglise, a jugé que « le choc provoqué par les violences sexuelles et la manière avec laquelle elles ont été discutées et jugées par le passé affaiblissent l’autorité morale avec laquelle l’Eglise peut s’exprimer ».
Dans la matinée, le souverain pontife avait été convié par le roi Philippe à prononcer un « discours à la nation » dont le principe même avait été dénoncé par les milieux laïcs et des élus de gauche, qui y voyaient une entorse au principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette polémique a rapidement cédé la place à des questions sur la portée exacte des propos que le pape a tenus à propos des scandales qui ont émaillé l’histoire de l’Eglise belge depuis trois décennies.
Dans son discours, le roi Philippe a fait une allusion prudente à des faits qui auraient concerné quelque 2 000 personnes au total, à en croire les chiffres avancés par Rik Devillé, un prêtre retraité qui a fédéré les victimes d’abus. Le chef de l’Etat a déploré que des êtres aient été « horriblement meurtris et marqués à vie » et qu’il ait fallu « tellement de temps pour que leurs cris soient entendus et reconnus ».
Le premier ministre démissionnaire, Alexander De Croo, un libéral flamand, a eu des mots plus durs. Soulignant que l’Eglise avait sans doute sa place « dans notre histoire et notre culture », le chef du gouvernement ajoutait : « Mais nous ne pouvons ignorer les blessures douloureuses qui existent au sein de la communauté religieuse catholique et de la société dans son ensemble. Les nombreux cas d’abus sexuels et d’adoptions forcées ont gravement entamé la confiance ». M. De Croo insistait : « Aujourd’hui les paroles ne suffisent plus, des actions concrètes doivent être réalisées. Les victimes ont droit à la vérité. La justice doit être rendue ».
« Trop peu et trop tard »
Cette fermeté a visiblement poussé le pape à sortir du texte transmis à la presse, qui différait peu de propos tenus antérieurement par François sur le sujet. Si le clergé belge a, en général, refusé de qualifier autrement que de « péchés » les abus commis par des prélats, le pape a, cette fois, parlé de « crimes » pour lesquels, juge-t-il, « l’Eglise doit avoir honte et demander pardon ». Il a souligné que « la plupart des abus » se produisent « dans la famille, dans les quartiers, dans le sport » mais qu’un seul cas au sein de l’Eglise devait susciter « la honte » de celle-ci. En 2010, André-Joseph Léonard, primat de Belgique à l’époque, avait déjà insisté sur le fait que « tous les milieux de la société » étaient, selon lui, confrontés à la question des abus.
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