mercredi, novembre 20, 2024
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En Argentine, la mort de manchots fait avancer la justice environnementale


LETTRE DE BUENOS AIRES

Des manchots de Magellan, dans la réserve naturelle patagonienne de Punta Tombo, en Argentine, en février 2017.

Le terrain, une zone semi-désertique, s’étend sur des centaines de mètres jusqu’aux eaux glaciales bleu vif de l’océan Atlantique, en Patagonie argentine. Son propriétaire, un éleveur de vaches, a été reconnu coupable, jeudi 7 novembre, par le tribunal supérieur de justice de Chubut (sud) de « dommage aggravé » sur l’environnement et de « cruauté animale » envers des manchots de Magellan présents dans son champ. Un verdict sans précédent concluant un procès historique. Si le détail de la peine doit être communiqué ultérieurement, le parquet a requis quatre ans de prison et un dédommagement financier.

« C’est une surprise car l’Argentine a une longue histoire d’impunité environnementale et un code pénal qui ne contient pas de délits environnementaux. Il s’agit d’un point d’inflexion dans la justice du pays, d’une conquête écologique », salue Lucas Micheloud, avocat et codirecteur de l’association argentine d’avocats et avocates environnementaux. Cette dernière s’était constituée partie civile, avec les ONG de défense de l’environnement Greenpeace et Fundacion Patagonia Natural.

Les faits sont survenus entre les mois d’août et de décembre 2021, au moment où les manchots nidifient, en sous-sol. L’éleveur condamné, Ricardo La Regina, 37 ans aujourd’hui, décide de mener des travaux sur son terrain. Il souhaite notamment installer une clôture et construire une digue, afin de contenir son bétail et l’abreuver. A cette fin, il achète une pelle rétrocaveuse et procède à l’excavation d’une partie de son terrain.

Selon le verdict, l’éleveur « a provoqué des dommages irréversibles sur la faune et la flore autochtone de ce lieu » mais aussi « percuté un nombre important de manchots vivants, de différents âges, les a tués, blessés, leur causant de la souffrance et a également percuté des œufs en étape d’incubation ». Greenpeace, de son côté, estime qu’« une centaine de manchots, œufs et poussins et environ 175 nids ont été détruits, en plus de la déforestation de la végétation native ». Une image prise par des biologistes – dont le témoignage a été apporté au dossier – montre un manchot gisant sous des branchages, en partie recouvert de terre, après l’excavation. « La végétation native est essentielle à la reproduction des manchots car elle leur permet de faire leur nid, de se protéger du vent, du soleil, des prédateurs », souligne Lucas Micheloud. Selon les spécialistes, la recomposition du sol et de la flore pourrait durer entre dix et vingt ans.

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