Le dossier du « Monde des livres » sur Israël, Gaza, l’empreinte du 7 octobre 2023
Il y a bientôt un an ont eu lieu les massacres commis par le Hamas en Israël, aussitôt suivis de l’offensive de l’Etat hébreu sur Gaza. De nombreuses parutions marquent cet anniversaire.
- « Les Portes de Gaza », d’Amir Tibon : au kibboutz Nahal Oz, le 7 octobre 2023.
- « Ce que vous trouverez caché dans mon oreille », de Mosab Abu Toha, et « La Vie sous les bombardements », d’Ibrahim Khashan, dans la bande de Gaza, avant comme après le 7 octobre.
- « Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza », de Didier Fassin : une analyse parfois trompeuse de l’anthropologue.
- « La Fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti : les répercussions du 7 octobre et de ses suites en Europe et aux Etats-Unis ; suivi d’autres parutions.
- Entretien avec l’écrivain et militant pour la paix David Grossman, dont paraît « Le Cœur pensant. Réflexions sur un chaos annoncé ».
« Ce que vous trouverez caché dans mon oreille. Poèmes de Gaza » (Things You May Find Hidden in My Ear), de Mosab Abu Toha, traduit de l’anglais (Palestine) par Eve de Dampierre-Noiray, Julliard, 188 p., 20 €, numérique 14 € (en librairie le 3 octobre).
« La Vie sous les bombardements », d’Ibrahim Khashan, traduits de l’arabe (Palestine) par Samia Mallié et Gérard Blot, Le Temps qu’il fait, 110 p., 16 €.
En janvier 2009, tandis qu’Israël bombarde Gaza, Mosab Abu Toha, 16 ans, sort acheter des œufs. « J’adore les œufs durs », commente-t-il dans le poème qu’il consacre à l’épisode, « Les Blessures ». Des gens se sont massés près de là. Il s’approche, curieux. Il n’a pas le temps de comprendre ce qui surgit alors. « Une lumière jaune me frappe./ Ma tête est comme ouverte en deux,/ c’est l’impression que j’ai./ (…) Pendant quelques instants, je me demande : “Comment peux-tu rester debout avec la tête coupée ?” »
L’adolescent survit, mais il est gravement blessé. On lui retire, sept mois plus tard, deux éclats d’obus, dans le cou et le front. Puis il reprend ses études, notamment aux Etats-Unis, devient professeur de langue et de littérature anglaises à Gaza, et commence à écrire de la poésie. En 2017, il fonde une bibliothèque dans la ville, sous le nom de l’intellectuel palestino-américain Edward Said (1935-2003). Celle de son université a été détruite par un bombardement.
Mosab Abu Toha a publié en 2022 la version originale, en anglais, de Ce que vous trouverez caché dans mon oreille, son premier recueil, entre autobiographie – on y trouve « Les Blessures » –, poésie documentaire et exploration d’une identité en éclats. Le livre paraît en France, sans ajout, au bout d’un an d’une guerre qui a contraint le poète à l’exil, après qu’il a été arrêté, emprisonné et battu par l’armée israélienne, en novembre 2023, alors qu’il tentait de passer en Egypte avec sa famille. Il vit aujourd’hui aux Etats-Unis, où il documente la guerre sur les réseaux sociaux et dans des articles pour le New York Times ou le New Yorker.
Mais il n’a pas cessé d’écrire de la poésie, et son prochain livre, Forest of Noise (« forêt de bruit »), à paraître en novembre aux Etats-Unis, recueillera les poèmes écrits depuis le début de la guerre. Tout, cependant, est déjà présent dans Ce que vous trouverez caché dans mon oreille, qui devrait apparaître au lecteur français à la fois comme la révélation d’un poète important et comme une rare occasion de saisir quelque chose de l’expérience concrète des Gazaouis avant le début de la guerre totale – mais aussi, en un sens, pendant la guerre, tant l’enfermement dans une enclave sous blocus, l’exil, la destruction, la mort omniprésente y sont explorés en profondeur, et rendus universels.
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