Admirateur de Che Guevara et de Fidel Castro, le chef de la coalition de gauche au Sri Lanka, Anura Kumara Dissanayaka, a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle, avec 42,3 % des suffrages, dimanche 22 septembre, au lendemain du scrutin. Il a nettement devancé le chef de l’opposition au Parlement Sajith Premadasa (centre droit), 57 ans, crédité de 32,7 % des voix, et le président sortant Ranil Wickremesinghe, 75 ans, avec 17,2 %.
Deux ans après la pire crise économique de l’histoire du Sri Lanka, Anura Kumara Dissanayaka, 55 ans, hérite d’un pays fragile et épuisé par la politique d’austérité brutale et impopulaire de son prédécesseur. « Le rêve que nous avons porté depuis des siècles s’est enfin concrétisé », s’est-il réjoui dimanche soir sur le réseau social X, ajoutant à l’adresse du peuple sri-lankais : « Ensemble nous nous tenons prêts pour réécrire l’histoire du Sri Lanka ». Il doit être officiellement investi lundi matin, selon la commission électorale.
Muet depuis l’annonce samedi soir des premières tendances qui le donnaient perdant, le président sortant, Ranil Wickremesinghe, a concédé dimanche soir sa défaite. « Avec beaucoup d’amour et de respect pour cette nation que je chéris, je remets son avenir entre les mains du nouveau président », a-t-il assuré dans une déclaration. L’entourage de Sajith Premadasa avait de son côté concédé sa défaite dès les résultats partiels, dimanche matin.
Avant même la confirmation de sa victoire, M. Dissanayaka a fait savoir dimanche qu’il ne « déchirerait » pas le plan d’aide de 2,9 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) signé en 2023 avec le FMI (Fonds monétaire international) après de longues tractations.
Renoncement à la lutte armée
Tout au long de sa campagne « AKD », comme le surnomment ses troupes, a martelé un message de défiance des élites politiques « corrompues » du pays, à ses yeux coupables de sa faillite financière en 2022. Au fil des semaines, ce discours a convaincu un nombre croissant de Sri-Lankais.
« Pour la première fois au Sri Lanka, le pouvoir va passer des mains d’une poignée de familles privilégiées et corrompues à un gouvernement du peuple », a promis AKD dans son programme électoral. Une proclamation qui résume l’ambition de ce fils d’agriculteur, entièrement formé au Front de libération du peuple (JVP), le parti d’inspiration marxiste de M. Dissanayaka.
En 1971, le JVP avait déclenché dans l’île une première insurrection meurtrière contre le pouvoir, qui a été vite réprimée au prix de 20 000 victimes. Seize ans plus tard, le parti avait ensuite repris les armes à la suite d’une loi de décentralisation qui accordait des pouvoirs à la minorité tamoule de l’île.
Issu de la majorité cinghalaise, le camarade Dissanayaka se fait remarquer en prenant la tête des étudiants du JVP. Récemment, il a raconté avoir échappé, caché par un de ses professeurs, aux escadrons de la mort qui traquaient les responsables de la guérilla. Cette révolte s’achève en 1989, après avoir fait jusqu’à 60 000 morts selon certaines estimations. Lorsqu’il prend la tête du JVP en 2014, Anura Kumara Dissanayaka tire un trait sur le passé et renonce à la lutte armée. « Nous assurons au peuple du Sri Lanka que nous ne reprendrons jamais les armes », déclare-t-il.
Converti à l’économie de marché
Pour marquer sa rupture avec le passé meurtrier de son mouvement et élargir sa base populaire, il forme alors une coalition avec d’autres partis de gauche, le Pouvoir national du peuple (NPP).
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Lui-même s’est largement converti à l’économie de marché, notamment à l’idée de privatiser certaines entreprises publiques. Récemment encore, il a raillé une « campagne de diffamation » dirigée contre son parti « qui dit que nous allons tout nationaliser, même les vaches ».
Ses premiers pas électoraux sont modestes. Lors de la présidentielle de 2019, il ne récolte que 3 % des voix. Il ne fait guère mieux un an plus tard aux législatives, où le JVP n’obtient que trois sièges.
Mais depuis la crise financière catastrophique de 2022, « AKD » et sa coalition ont le vent en poupe. Même s’il ne s’implique pas directement dans les manifestations qui provoquent la chute du président Gotabaya Rajapaksa, son parti surfe sur la colère de la population, jusqu’à sa victoire à la présidentielle.