lundi, octobre 14, 2024
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après le double attentat de Bamako, les Peuls craignent d’être stigmatisés


Un éleveur peul anonyme pose dans une maison du centre du Mali, en mai 2020.

Ne pas sortir de chez eux jusqu’à la fin des ratissages menés par les forces de sécurité maliennes. La consigne, donnée par des leaders peuls à des membres de cette communauté résidant à Bamako, souligne leur crainte d’une stigmatisation croissante en raison de liens supposés avec les djihadistes après le double attentat du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, lié à Al-Qaida) qui a fait, selon des sources sécuritaires maliennes et occidentales, plus de 70 morts et 255 blessés mardi 17 septembre.

Quelques heures après les deux attaques lancées contre l’école de gendarmerie de Faladié et l’aéroport, au sud-est de Bamako, le général Oumar Diarra, chef d’état-major des armées, a lancé un appel aux citoyens afin d’« éviter les amalgames ». « L’objectif de ces terroristes est de nous mettre dos à dos et d’essayer de stigmatiser les gens », a-t-il alerté, annonçant que les recherches pour interpeller d’éventuels complices se poursuivaient. Ce double attentat au cœur de la capitale, inédit par son ampleur, a choqué les Bamakois. Il contrecarre aussi le discours officiel d’une menace djihadiste contenue par la junte, que son chef, le colonel Assimi Goïta, déclame depuis son arrivée au pouvoir, en août 2020.

Mardi matin, alors que les échanges de tirs entre les militaires maliens et les djihadistes résonnaient dans le sud de la capitale, des appels à lyncher des membres de la communauté peule ont été lancés, selon plusieurs sources locales.

« Il faut le brûler ! », s’est exclamé un homme dans une vidéo diffusée mardi sur les réseaux sociaux. Derrière lui, aux abords de la Tour de l’Afrique, près de l’école de gendarmerie, on distinguait le cadavre d’un homme finissant de brûler, enseveli sous des débris jetés par la petite foule qui l’entourait. L’individu appartenait, selon des sources concordantes, à la communauté peule. Si les présumés bandits sont parfois immolés par le feu dans le pays, cette pratique tend à prendre une tournure communautaire à mesure que les violences s’exacerbent ces dernières années.

« Chasse aux sorcières »

Dans le centre du Mali, de nombreux Peuls se sont enrôlés dans les rangs du GSIM, dirigé dans la zone par le chef djihadiste peul Amadou Koufa. L’appartenance à cette même communauté d’un des auteurs du double attentat de Bamako, surnommé « Abdelsalam Al-Fulani Al-Ansari », a fait croître la stigmatisation.

Pour prévenir les débordements autour des lieux des attentats, des responsables des centres de déplacés situés aux alentours – où se trouvent majoritairement des Peuls ayant fui les violences dans le centre du pays – ont ordonné de ne pas en sortir avant la fin des opérations de ratissage des forces de sécurité. A l’intérieur, « les gens ont peur d’être ciblés », affirme l’un d’entre eux, précisant toutefois que le calme règne pour l’heure dans ces camps.

A l’extérieur, de nombreuses personnes, dont beaucoup de Peuls, ont été arrêtées depuis les attentats. Les sept marchés au bétail situés en périphérie de la capitale, tenus par des éleveurs peuls, ont quant à eux été fermés jeudi « pour raison d’ordre public », indique une circulaire du gouverneur consultée par Le Monde.

« Que vont devenir ces éleveurs à qui l’on retire leur unique moyen de subsistance ? On les pousse à quitter la capitale. C’est le signe d’une forme de chasse aux sorcières », dénonce un représentant communautaire. Celui-ci regrette que l’appel à la lutte contre les amalgames lancé par le chef d’état-major n’ait pas été suivi d’effets. « Qu’on ne vienne pas s’étonner que ces Peuls démunis aillent ensuite rejoindre les groupes terroristes ! », tempête-t-il.

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Joints par Le Monde, des membres de la communauté touareg, elle aussi victime d’amalgames – surtout depuis la reprise, à l’été 2023, des affrontements dans le nord du pays entre l’armée et les groupes rebelles majoritairement touareg –, ont également affirmé avoir eu pour consigne de rester chez eux le temps que la situation se calme dans la capitale. Mercredi, un Touareg membre de la garde nationale, mais en tenue civile au moment des faits, a été tué à Bamako dans des circonstances qui restent floues.

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